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Entre l'Etat et les communes: un équilibre à retrouver

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1740 3 septembre 2004
Lors de la présentation à la presse de l’initiative «La Parole aux Communes», un journaliste a posé la question de l’orientation idéologique du Comité. Les syndics présents ont répondu qu’ils avaient adhéré en tant que syndics, uniquement en tant que syndics et sans la moindre arrière-pensée partisane. Cela devrait aller sans dire. Les institutions politiques n’ont pas pour fonction de favoriser telle tendance au détriment de telle autre, mais bien d’équilibrer les rapports de force entre les composantes réelles du pays.

Le référendum est une pièce maîtresse de cet équilibre. Son rôle le plus visible est de permettre au peuple de se prononcer sur une loi votée par le Parlement. Mais en dehors de toute action référendaire, la seule existence de ce droit exerce une pression sur le pouvoir. Elle lui rappelle en permanence qui l’a fait roi. Elle modère les excès idéologiques et l’effet des modes auxquelles nos parlementaires sont trop souvent sensibles. Ce contre-pouvoir implicite assure un certain équilibre entre la population et les autorités.

Le lancement d’un référendum signifie que l’équilibre est rompu, ou que certains en jugent ainsi. S’il aboutit, la loi est présentée au peuple qui l’accepte ou la rejette. Dans un régime démocratique, le peuple, considéré comme la source du pouvoir, est le dernier recours possible. Une fois sa décision prise, et pour autant que la campagne se soit déroulée à peu près correctement, la guerre ouverte est close, l’équilibre est rétabli. La campagne référendaire, durant laquelle chacun a pu dire publiquement ce qu’il avait sur le coeur, a joué son rôle de thérapie sociale.

Dans les procédures de consultation organisées par l’Etat, l’avis des communes a beaucoup perdu de son importance. L’augmentation de la participation des communes à la facture sociale ou le transfert aux communes de l’entretien des routes cantonales, pour prendre deux exemples récents, a rencontré l’opposition à peu près unanime des communes. L’Etat n’a pas pour autant modifié ses plans d’un iota.

Le système consultatif qui permet d’associer les parties intéressées à la conception des lois n’a de sens que s’il est un dialogue loyal. Les services de l’Etat le réduisent souvent à une simple prise de température qui leur indique jusqu’où ils peuvent aller sans ennuis. Il en irait différemment si l’avis des communes était soutenu par la perspective d’un référendum éventuel.

Le droit de référendum des communes renforcerait aussi notablement le poids de l’Union des communes vaudoises et de sa petite soeur l’Association des communes vaudoises dans leurs tractations avec l’administration.

Nous connaissions l’existence de différends importants entre les communes et l’Etat de Vaud. Néanmoins, nous avons été surpris de constater la profondeur de l’amertume et de la rancoeur des autorités des communes vaudoises à l’égard de l’Etat. A vrai dire, il y a de quoi. La presse a relaté l’effarant exposé tenu en mai dernier par M. David Roulin aux syndics du district d’Yverdon. Selon ce dynamique jeune homme, adjoint au Service cantonal de justice, de l’intérieur et des cultes, la commune idéale compte trois mille habitants. Ce sont statistiquement les «mieux gérables». Tel que le rapporte le journaliste de La Presse-Nord Vaudois, l’objectif affiché de l’Etat est de diminuer le nombre des communes de façon à ce que chacune des collectivités locales ainsi créées atteigne cet idéal statistique. Comme si la commune idéale n’était pas celle qui, indépendamment du nombre d’habitants, exécute ses tâches à satisfaction et sans s’endetter au-delà du raisonnable!

La préfète elle-même, Mme Roulet-Grin, a critiqué la vision technocratique de l’Etat devant les journalistes, comportement pour le moins inusité qui révèle à quel point la confiance entre l’Etat et les communes, mais aussi entre l’Etat et ses plus fidèles serviteurs, est en train de se perdre! Le droit de référendum des communes permettrait aux autorités communales de canaliser leur ressentiment et d’en faire un moteur auxiliaire de la politique vaudoise plutôt que d’être contraintes de le garder sur l’estomac.

Une commune, quel que soit le nombre de ses habitants, forme une unité territoriale et humaine cohérente. En ce sens, la plus petite d’entre elles est une commune au plein sens du terme, au même titre qu’une grande (1). C’est ce qui fonde la création d’un droit de référendum propre aux communes. Et qu’on ne vienne pas nous parler de «déficit démocratique» ou autre calembredaine! Un dixième des communes vaudoises qui se sentent bafouées dans leur autonomie ou menacées dans leur existence, c’est assez pour qu’on dérange le peuple!


NOTES:

1) D’ores et déjà, comme on peut le voir, plusieurs syndics de grandes communes font partie du Comité, à commencer par le syndic de la deuxième ville vaudoise.

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