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Candidat, quelle Ecole nous proposez-vous?

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2055 14 octobre 2016

La presse a donné une large audience à la lettre ouverte que trente enseignants de Prilly ont adressée à Mme Anne-Catherine Lyon. Les signataires critiquent la conseillère d’Etat pour sa raideur et son incapacité à dialoguer, mais ils critiquent aussi la loi sur l’enseignement obligatoire en tant que telle. Ils évoquent «les nombreux problèmes rencontrés, entre autres: destruction du rôle de maître de classe, complexité administrative extraordinaire de l’organisation, mode d’enseignement inadapté aux plus faibles, baisse dramatique des niveaux d’enseignement dans plusieurs branches». Une pétition de soutien à cette lettre a récolté plus de cinq cents signatures d’enseignants.

Ces deux actions prennent toute leur importance quand on connaît les pressions exercées par le Département sur ceux qui ne font pas preuve de «loyauté» envers le système. Les signataires manifestent leur perte de confiance dans les autorités scolaires. Ils manifestent aussi, plus discrètement, leur perte de confiance dans leurs représentants syndicaux, que leur action a court-circuités. Effet indirect de la connivence des syndicats d’enseignants avec le pouvoir socialiste?

On aura noté qu’on dénonce dans la même phrase un «mode d’enseignement inadapté aux plus faibles» et une «baisse dramatique des niveaux d’enseignement dans plusieurs branches». Autrement dit, non seulement on transmet moins de connaissances, mais on les transmet plus mal. Une sorte de perfection dans le ratage.

Ceux qui ont soutenu le contreprojet «LEO» contre l’initiative «Ecole 2010», en particulier les partis radical, socialiste et écologiste, font comme si de rien n’était. Ils n’ont pas grande envie de se vanter de leur manque de perspicacité, ni d’être suspectés, à bon droit, d’avoir su et tu, durant des années, le fait que les déclarations continûment satisfaites du Département camouflaient une débâcle scolaire sans précédent.

Dès lors, la version officielle est la suivante: le bilan de Mme Lyon est bon, il est même excellent. Cette «femme d’Etat» a modernisé l’Ecole. Elle l’a aussi pacifiée après des décennies de désordres et de conflits. Elle a encore supprimé la discrimination dont souffraient les élèves de la voie secondaire à option (VSO). La seule chose qu’on pourrait, à la rigueur, lui reprocher, c’est d’avoir été un peu minimaliste en matière de communication. Mais, aujourd’hui, elle est loin, et tout va rentrer dans l’ordre dès après les prochaines élections. Circulez, il n’y a plus rien à voir ni à savoir! The democratic show must go on: là est la seule chose vraiment importante.

En fait, la modernisation apportée par Mme Lyon a principalement consisté à radicaliser une dérive ancienne due à l’application aveugle d’une pédagogie inefficace. Quant à la prétendue paix scolaire, ce n’était, la lettre ouverte et la pétition en témoignent, qu’une paix de surface obtenue au prix d’un contrôle constant, vétilleux et interventionniste des actes et paroles des enseignants. Enfin, le sentiment de discrimination n’a pas disparu avec la VSO, il s’est simplement reporté sur la voie générale (VG).

Qui peut croire que l’éviction de Mme Lyon suffira pour tout remettre à l’endroit? Les dysfonctionnements pédagogiques et administratifs majeurs dénoncés par la lettre des enseignants ne vont pas disparaître simplement par l’opération miraculeuse de l’élection. Il faut par exemple être conscient que, si tous les petits chefs qui formaient la garde rapprochée de Mme Lyon, et tous les acteurs souterrains de la réforme, enseignants sans élèves, pédagogues autistes, méthodologues expérimentant leurs idées géniales sur les élèves, restent enkystés dans la place, ils continueront de travailler dans le même sens. Ils continueront d’appliquer leur vieille idéologie égalitaire, ou, disons, égalitaire dans le discours et semeuses d’inégalités dans la réalité.

Si, mue par une conception plus réaliste de l’Ecole, de ses possibilités et de ses finalités, la nouvelle direction désire soulever le poids de cette routine idéologique et administrative, elle devra faire preuve d’un caractère indomptable, d’une obstination sans limite et d’un cuir épais. A défaut, elle n’aura d’autre choix, à l’instar de ses cinq prédécesseurs, que de s’accrocher au dernier wagon du train fou de la réforme. Quand viendra le temps des élections, au printemps 2017, les candidats au Conseil d’Etat se proclameront tous férus d’excellence, de dialogue avec les enseignants et d’égalité des chances. Mais ceux que l’avenir de l’Ecole vaudoise intéresse refuseront de se satisfaire de ce discours standard. Ils voudront connaître en profondeur les positions scolaires de chacun des candidats, au moins dans leurs principes de conception et d’action. Oui, quelle est leur philosophie de l’enseignement? Que prévoient- ils de faire à court et à long terme à la tête de leur éventuel futur Département? Comment comptent-ils rétablir la confiance avec le corps enseignant? Que pensent-ils de la voie unique qui nous menace?

Nous nous permettons de suggérer qu’une équipe d’enseignants – ceux-ci sont les mieux placés pour le faire – conçoive un questionnaire, pointu et sans esquive possible, à l’adresse de tous les candidats à l’exécutif cantonal. Les questions reprendraient et détailleraient les griefs exprimés dans la lettre ouverte. Le questionnaire, puis les réponses, ainsi que les refus de répondre, seraient portés à la connaissance de l’électeur.

L’opération présenterait un triple intérêt. D’abord, elle empêcherait la Barre de refermer, pour cinq ans et sans coup férir, le couvercle de la marmite scolaire. Ensuite, elle doublerait la légitimité creuse de l’élection d’un peu de légitimité réelle, je veux dire découlant d’une volonté politique et scolaire assumée. Enfin, elle permettrait à l’électeur de voter, un petit peu plus, en connaissance de cause.

La presse a donné une large audience à la lettre ouverte que trente enseignants de Prilly ont adressée à Mme Anne-Catherine Lyon. Les signataires critiquent la conseillère d’Etat pour sa raideur et son incapacité à dialoguer, mais ils critiquent aussi la loi sur l’enseignement obligatoire en tant que telle. Ils évoquent «les nombreux problèmes rencontrés, entre autres: destruction du rôle de maître de classe, complexité administrative extraordinaire de l’organisation, mode d’enseignement inadapté aux plus faibles, baisse dramatique des niveaux d’enseignement dans plusieurs branches». Une pétition de soutien à cette lettre a récolté plus de cinq cents signatures d’enseignants.

Ces deux actions prennent toute leur importance quand on connaît les pressions exercées par le Département sur ceux qui ne font pas preuve de «loyauté» envers le système. Les signataires manifestent leur perte de confiance dans les autorités scolaires. Ils manifestent aussi, plus discrètement, leur perte de confiance dans leurs représentants syndicaux, que leur action a court-circuités. Effet indirect de la connivence des syndicats d’enseignants avec le pouvoir socialiste?

On aura noté qu’on dénonce dans la même phrase un «mode d’enseignement inadapté aux plus faibles» et une «baisse dramatique des niveaux d’enseignement dans plusieurs branches». Autrement dit, non seulement on transmet moins de connaissances, mais on les transmet plus mal. Une sorte de perfection dans le ratage.

Ceux qui ont soutenu le contreprojet «LEO» contre l’initiative «Ecole 2010», en particulier les partis radical, socialiste et écologiste, font comme si de rien n’était. Ils n’ont pas grande envie de se vanter de leur manque de perspicacité, ni d’être suspectés, à bon droit, d’avoir su et tu, durant des années, le fait que les déclarations continûment satisfaites du Département camouflaient une débâcle scolaire sans précédent.

Dès lors, la version officielle est la suivante: le bilan de Mme Lyon est bon, il est même excellent. Cette «femme d’Etat» a modernisé l’Ecole. Elle l’a aussi pacifiée après des décennies de désordres et de conflits. Elle a encore supprimé la discrimination dont souffraient les élèves de la voie secondaire à option (VSO). La seule chose qu’on pourrait, à la rigueur, lui reprocher, c’est d’avoir été un peu minimaliste en matière de communication. Mais, aujourd’hui, elle est loin, et tout va rentrer dans l’ordre dès après les prochaines élections. Circulez, il n’y a plus rien à voir ni à savoir! The democratic show must go on: là est la seule chose vraiment importante.

En fait, la modernisation apportée par Mme Lyon a principalement consisté à radicaliser une dérive ancienne due à l’application aveugle d’une pédagogie inefficace. Quant à la prétendue paix scolaire, ce n’était, la lettre ouverte et la pétition en témoignent, qu’une paix de surface obtenue au prix d’un contrôle constant, vétilleux et interventionniste des actes et paroles des enseignants. Enfin, le sentiment de discrimination n’a pas disparu avec la VSO, il s’est simplement reporté sur la voie générale (VG).

Qui peut croire que l’éviction de Mme Lyon suffira pour tout remettre à l’endroit? Les dysfonctionnements pédagogiques et administratifs majeurs dénoncés par la lettre des enseignants ne vont pas disparaître simplement par l’opération miraculeuse de l’élection. Il faut par exemple être conscient que, si tous les petits chefs qui formaient la garde rapprochée de Mme Lyon, et tous les acteurs souterrains de la réforme, enseignants sans élèves, pédagogues autistes, méthodologues expérimentant leurs idées géniales sur les élèves, restent enkystés dans la place, ils continueront de travailler dans le même sens. Ils continueront d’appliquer leur vieille idéologie égalitaire, ou, disons, égalitaire dans le discours et semeuses d’inégalités dans la réalité.

Si, mue par une conception plus réaliste de l’Ecole, de ses possibilités et de ses finalités, la nouvelle direction désire soulever le poids de cette routine idéologique et administrative, elle devra faire preuve d’un caractère indomptable, d’une obstination sans limite et d’un cuir épais. A défaut, elle n’aura d’autre choix, à l’instar de ses cinq prédécesseurs, que de s’accrocher au dernier wagon du train fou de la réforme. Quand viendra le temps des élections, au printemps 2017, les candidats au Conseil d’Etat se proclameront tous férus d’excellence, de dialogue avec les enseignants et d’égalité des chances. Mais ceux que l’avenir de l’Ecole vaudoise intéresse refuseront de se satisfaire de ce discours standard. Ils voudront connaître en profondeur les positions scolaires de chacun des candidats, au moins dans leurs principes de conception et d’action. Oui, quelle est leur philosophie de l’enseignement? Que prévoient- ils de faire à court et à long terme à la tête de leur éventuel futur Département? Comment comptent-ils rétablir la confiance avec le corps enseignant? Que pensent-ils de la voie unique qui nous menace?

Nous nous permettons de suggérer qu’une équipe d’enseignants – ceux-ci sont les mieux placés pour le faire – conçoive un questionnaire, pointu et sans esquive possible, à l’adresse de tous les candidats à l’exécutif cantonal. Les questions reprendraient et détailleraient les griefs exprimés dans la lettre ouverte. Le questionnaire, puis les réponses, ainsi que les refus de répondre, seraient portés à la connaissance de l’électeur.

L’opération présenterait un triple intérêt. D’abord, elle empêcherait la Barre de refermer, pour cinq ans et sans coup férir, le couvercle de la marmite scolaire. Ensuite, elle doublerait la légitimité creuse de l’élection d’un peu de légitimité réelle, je veux dire découlant d’une volonté politique et scolaire assumée. Enfin, elle permettrait à l’électeur de voter, un petit peu plus, en connaissance de cause.

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