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Boucherie au-delà de la Méditerranée, haricots en deçà

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2056 28 octobre 2016

Qu’est-ce qui pourrait bien passionner les Vaudois cette semaine? Alep martyrisée par les bombes russes? C’est un peu loin. Mossoul? C’est loin aussi, et les bombes y sont américaines, humanitaires et démocratiques. La «jungle» de Calais, dont les occupants viennent d’être dilués sur tout le territoire français pour calmer les électeurs et laisser de la place à de futurs nouveaux arrivants? Pas très glamour. Les élections américaines, avec le dilemme entre une gentille peste et un méchant choléra? Ce choix effraie les braves gens. En fait, le seul sujet dont on parle en ce moment, par ici, c’est la reprise du Buffet de la gare de Lausanne par une chaîne de restaurants végétariens.

Ceux qui, comme nous, ont leurs habitudes dans quelque autre établissement de la capitale, autrement plus sympathique et où la viande ne manque pas, peinent à s’enthousiasmer pour cette indignation collective. D’abord parce que, précisément, elle est un peu trop collective. On ne râle bien que quand on râle seul. Ensuite parce que ce petit pas supplémentaire dans la grande marche vers la décadence n’est que la conséquence de tous ceux qui l’ont précédé et que nous avons tolérés. Les commissaires du Progrès sanitaire nous y ont préparés depuis des années, en nous assénant des études sur l’impact environnemental de la viande, des mises en garde contre sa nocivité éventuelle et des reportages sur l’horreur des abattoirs. Qu’avons-nous fait, durant tout ce temps, pour défendre notre bifteck? Depuis des années, notre société sécrète des végétariens ascendant véganes; comment s’offusquer maintenant que les restaurateurs s’adaptent à cette nouvelle génération d’estomacs fragiles?

Sans doute cette position trahit-elle un coupable excès de libéralisme en matière de nourriture. Tant qu’on nous permet de manger quelque part ce que nous aimons, nous ne voyons pas l’utilité d’empêcher les autres de se nourrir de ce dont nous ne voulons pas: graines, tofu, insectes, légumes.

Le problème viendra à l’étape suivante, lorsque la Ville de Lausanne, après avoir prohibé toute forme d’alcool, de sucreries et de mets salés, interdira aussi la consommation de viande – d’abord dans les restaurants, puis dans les cuisines privées – pour réduire les coûts de la santé et l’empreinte écologique de l’humanité. Des gendarmes viendront inspecter nos réfrigérateurs et soulever soupçonneusement le couvercle de nos casseroles. Pour les pauvres hères qui n’auront pas réussi à se convertir au «tout végétal», la Municipalité fera aménager un local discret pour qu’ils puissent se livrer à leur vice honteux à l’abri des regards.

Les Français étaient des veaux, les Vaudois seront de paisibles herbivores. Ce sera le début des haricots, et les carnotzets seront rebaptisés végétatzets.

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