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Elie Gagnebin, géologue et ami des artistes

Jean-François Pasche
La Nation n° 2059 9 décembre 2016

En mars 2015, MM. Yves Gerhard et Marc Weidmann étaient venus présenter leur travail sur Elie Gagnebin, écrit en commun. Aujourd’hui, l’ouvrage est publié aux éditions de L’Aire. Il a été question dans ces colonnes de Robert Moulin, personnalité politique marquante de l’entre-deux-guerres. Elie naît la même année que lui, en 1891, à Liège. Son père, pasteur originaire du canton de Neuchâtel, y exerce son ministère. Il a de nombreux frères et sœurs dont deux lui survivront, Henri et Samuel. En 1899, la famille s’installe à Lausanne. Il y a d’autres similitudes entre ces deux hommes, qui meurent relativement jeunes, Moulin en 1942 et Gagnebin en 1949. Tous les deux étaient Bellettriens.

L’entre-deux-guerres est une époque politiquement agitée, qui a espéré la fin définitive des conflits, a vu la montée du communisme et l’émergence du fascisme. Mais c’est aussi une période de foisonnement artistique et intellectuel pour le Canton de Vaud, grâce à des hommes tels que Charles Ferdinand Ramuz, Gustave Roud, René Auberjonois ou encore Ernest Ansermet.

Elie Gagnebin ne s’intéressait pas à la politique. Brillant géologue, il était en outre passionné de littérature, de musique et de philosophie. Il était connu pour ses qualités de récitant et d’acteur, qu’il exerçait lors des théâtrales de Belles-Lettres en interprétant des personnages de Molière. Grâce à ces qualités, il a été sollicité pour devenir le premier narrateur de L’Histoire du Soldat de Stravinsky et de Ramuz, créée à Lausanne en 1918.

Elie Gagnebin entretenait de riches amitiés avec plusieurs grands artistes, écrivains, poètes et musiciens de son temps, Pierre-Louis Mathey, Charles Ferdinand Ramuz, Charles-Albert Cingria, Ernest Ansermet, Jean Villard Gilles, ou encore Jean Cocteau et Jules Romains. Il a fortement contribué à faire connaître leurs œuvres, dont il savait avec justesse et finesse faire la critique. Il a été pour ses amis artistes un soutien solide; il les aidait financièrement en organisant des souscriptions, les encourageait à créer, les conseillait. En public, il ne manquait pas une occasion de les défendre vigoureusement, mais n’hésitait pas non plus à leur montrer sa désapprobation lorsqu’il le jugeait nécessaire.

Cependant, il ne faudrait pas passer sous silence la réputation internationale de géologue qu’il acquit grâce à ses travaux sur les Alpes. Il en fit des cartes géologiques pour certaines parties vaudoises et savoyardes. Il était par ailleurs spécialiste de l’analyse des eaux. Il a été mandaté pour des études de sols en vue d’exploitation minière ou pétrolière en Algérie, au Maroc, en Espagne et au Brésil. Il était actif dans les Sociétés géologiques de Suisse et de France, était l’assistant de son professeur Maurice Lugeon à l’université de Lausanne. Il consacrait beaucoup de temps à ses étudiants, aimait les emmener dans les Alpes pour des études de terrain.

Elie Gagnebin est une personnalité captivante. De son temps, il étonnait par l’étendue de son savoir, par la sincérité de ses amitiés, par sa bonne humeur constante. Homme de science, de lettres, philosophe – il lisait Thomas d’Aquin en latin et entretenait une correspondance régulière avec Jacques Maritain –, c’était un esprit universel.

Nous ne pouvons pas rendre compte ici de la richesse d’information de l’ouvrage de MM. Gerhard et Weidmann. Il est agrémenté par des anecdotes souvent amusantes qui font la lumière sur une période foisonnante de l’histoire intellectuelle du Canton de Vaud. De nombreux témoignages et lettres sont reproduits, qui donnent envie de se plonger dans l’époque, de s’intéresser aux personnalités évoquées. Nous recommandons cette lecture, qui complètera l’ouvrage sur Robert Moulin avec un angle d’approche différent de la même période.

Référence:

Yves Gerhard, Marc Weidmann, Elie Gagnebin, géologue et ami des artistes, L'Aire, 2016, 245 pages.

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