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La guerre nous cherche

Jacques Perrin
La Nation n° 2061 6 janvier 2017

«Il leur faudrait une bonne guerre»: voilà ce que disaient, du temps de notre adolescence, les vieux – qui n’avaient pas fait la guerre – dans l’espoir d’aiguillonner la jeunesse indolente dont ils avaient à se plaindre. Nous ne prétendrons pas que M. Werner dise la même chose dans son dernier livre (Un air de guerre, éd. Xénia, collection Franchises, 2016). Il sait trop bien que toute guerre est une horreur, si l’on excepte quelques moments d’enthousiasme propres aux combattants nés, bien décrits, entre autres, par un Ernst Jünger.

Et pourtant…

M. Werner se fait une image sombre des sociétés occidentales. Il semble que nous soyons revenus à l’état de nature selon Hobbes. Les communautés fondamentales, nations et familles, se sont décomposées. L’Etat a rompu le pacte qui transforme les individus en citoyens: il ne les protège plus les uns des autres en échange de leur commune soumission à sa puissance. Non seulement l’Etat ne protège plus les citoyens, mais il profite de l’insécurité pour les surveiller et multiplier les lois d’exception, comme le Patriot Act aux Etats-Unis.

Le citoyen, redevenu un individu perdu dans la multitude, fait face à trois menaces: l’envahisseur islamiste installé dans les murs de la cité à la faveur de l’immigration de masse; l’insécurité dans les lieux dits de non-droit ; la volonté de l’Etat de s’arroger un pouvoir total.

Que faire? La situation semble désespérée, quelle que soit la menace. Comment des individus pourraient-ils triompher de bandes armées, de terroristes ou d’un Etat tentaculaire? Comment pourraient-ils gagner ce que M. Werner, se recommandant d’auteurs survivalistes (Wicht, San Giorgio), appelle guerres moléculaires, où des individus se regroupent pour prendre en main la défense de leurs familles à la place de l’Etat dans lequel ils n’ont plus confiance?

Suivant Machiavel, M. Werner répond: en éprouvant une peur extrême. L’individu, effrayé par un ennemi qu’il sait impitoyable, n’a soudain d’autre échappatoire que le combat. M. Werner ose le paradoxe selon lequel des individus même ramollis et corrompus deviennent des guerriers courageux lorsqu’ils sont terrorisés par un ennemi cruel. Non seulement la peur ne les paralyse pas, comme c’est très souvent le cas, mais elle les rend aptes au combat et leur fournit même une juste cause, celle du refus du servage. Le courage et la volonté de rester libres résulteraient de la peur extrême.

Le livre de M. Werner n’emporte pas complètement notre adhésion, pour deux raisons.

D’abord, si nous voulons bien admettre, à la rigueur, que la peur peut parfois transformer des moutons en lions, nous envisageons une autre manière de combattre, qui a la préférence du même Machiavel, et qui nous paraît plus conforme à la situation présente de la Confédération suisse: les citoyens n’y sont pas si corrompus; il y a suffisamment de personnes «vertueuses» au sens romain du terme pour constituer une armée de milice efficace. Si tu veux la paix, prépare la guerre : nous croyons à cette maxime et nous insistons sur le verbe «préparer».

Ensuite, même si nous concédons sans peine à M. Werner que plusieurs démocraties occidentales sont des oligarchies de fait, nous ne pensons pas que celles-ci soient en mesure d’exercer sur les citoyens un pouvoir total en profitant de l’insécurité et de la pression migratoire. Les oligarques sont trop faibles; ils se satisfont d’une logorrhée moralisante. Quand ils constatent le reflux des idées qui les ont conduits au pouvoir, certains deviendraient vite méchants, mais ont-ils les moyens de leur vilenie? Ils sont veules, sans projet véritable, tout bonnement impuissants à maîtriser l’effet de vases communicants résultant de la dénatalité: les populations du Sud surpeuplé remplacent celles du Nord qui décroissent. Les oligarques veulent seulement s’assurer des positions au sein de la mondialisation et conserver des places, des privilèges, leur cour médiatique. Ils n’ont pas la force de comploter; nous avons affaire à une oligarchie de hasard, apeurée à la moindre vague «populiste».

C’est précisément cette faiblesse qui inquiète. Il serait peut-être plus facile de déjouer un complot que de lutter contre l’irresponsabilité de l’oligarchie. En cas d’effondrement de la prospérité, seule réussite dont ils puissent se vanter, les oligarques et leurs larbins courraient – et nous feraient courir –de sérieux risques.

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