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LPPPL - Loi sur la Promotion de Procédures de Pénalisation du Logement

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2062 20 janvier 2017

Cette loi sur la prétendue promotion du logement ne fera que compliquer la tâche de ceux qui construisent.

Les locataires sont protégés

Le Code des obligations (art. 269 et ss) contient déjà actuellement des mesures de protection des locataires pour éviter les abus dont ils peuvent être victimes en cas de pénurie de logements. Les loyers, en particulier les hausses de loyer, sont très strictement contrôlées et corrigées au besoin. L’abondance de la jurisprudence sur ces questions montre que l’outil est utilisé et donc utile.

Mais dans les cantons de Genève et Vaud, on a décidé que cela ne suffisait pas et on a complété l’arsenal par des lois sur le logement qui font en partie double emploi et compliquent tout. Ni à Bâle, ni à Zurich, où la pénurie de logements n’est pas moindre qu’à Lausanne, on a mis en place de telles usines à gaz.

La LPPPL sur laquelle nous votons le 12 février prochain n’est qu’une extension de l’usine à gaz. Elle ne produira pas un seul logement de plus et ne fera pas baisser les loyers.

Des rénovations compliquées

Selon cette loi, tout travail de démolition, de rénovation et de transformation portant sur des logements loués doit faire l’objet d’une demande d'autorisation adressée à la commune qui la transmet avec son préavis «dûment motivé» au département cantonal en charge du logement. Pour rendre son préavis, la commune doit procéder à une analyse fine de la situation et peut même exiger une inspection locale ou une expertise technique dont les principes sont réglés par le département.

Avant de délivrer l’autorisation, le département peut limiter la répercussion des coûts des travaux sur le revenu locatif. Il peut assortir l’autorisation d’une mesure de contrôle du revenu locatif d’une durée de cinq ans; en cas de pénurie prononcée, cette durée peut aller jusqu’à dix ans. Il peut également soumettre à autorisation la vente de l’immeuble jusqu’à l’exécution des travaux et requérir la production du décompte final des travaux. Il peut soumettre l’octroi de l’autorisation d’un changement d’affectation à la condition que les locaux soient réaffectés à l’habitation dès que les motifs ayant conduit à l’autorisation n’existent plus. Lorsque le département accorde l’autorisation sollicitée aux conditions fixées, celles-ci font l’objet d’une mention au Registre foncier.

Tout cela est déjà bien compliqué, mais ce qu’il faut relever c’est que l’autorisation n’est accordée que si les logements loués concernés n’entrent pas dans une catégorie à pénurie, lorsque les travaux apparaissent indispensables pour des motifs de sécurité, de salubrité ou d’intérêt général, ou enfin lorsque les travaux permettent de favoriser les économies d’énergie. De plus, l’autorisation n’est accordée que pour autant que l’investissement consenti reste proportionné par rapport aux avantages attendus.

La loi nouvelle, par rapport à celle qui existe maintenant, complique encore les procédures. Après cela, rien d’étonnant à ce que les parcs locatifs de Lausanne et Genève soient les plus vétustes de Suisse.

Des promotions amères

On vient de donner un très rapide aperçu des contraintes liées aux travaux de rénovation. Qu’en est-il de ce que la loi appelle la «promotion du parc locatif»?

En cas de construction d’un logement d’utilité publique (LUP), les communes peuvent prévoir dans leur plan et règlement d’affectation (plan de zones) des bonus de surfaces brutes de plancher. Pour les zones à bâtir déjà légalisées, les bâtiments bénéficient d’un bonus de 10% de la surface brute de plancher habitable si au moins 15% de la surface totale brute de plancher habitable est destinée à des LUP.

On ne comprend d’ailleurs pas comment on peut qualifier de mesure de promotion du parc locatif la disposition qui permet aux communes la fixation de quotas minimums de LUP dans leur plan d’affectation.

Mais qu’est-ce qu’un logement d’utilité publique?

Il s’agit des logements bénéficiant d’une aide à la pierre, des logements protégés destinés aux personnes âgées, des logements pour étudiants et des logements à loyer abordable reconnus d’utilité publique.

Et c’est là qu’on entre au cœur de l’usine à gaz car, pour être reconnu d’utilité publique, le logement à loyer abordable doit remplir des conditions cumulatives: il doit faire partie d’un immeuble comprenant au moins quatre logements; il doit être destiné à la location à long terme; il doit respecter, par type d’appartement, les limites de loyers et de surfaces fixées par l’Etat. On ne sait rien de ces éléments car c’est le Conseil d’Etat qui précisera cela dans un règlement d’application après avoir pris l’avis de la Commission cantonale consultative du logement. Il prévoira les modalités de contrôle ainsi que les garanties permettant de s’assurer que la destination de ces logements et les obligations du propriétaire demeurent en cas d’aliénation de l’immeuble. C’est bien entendu le Département cantonal qui est l’autorité compétente pour reconnaître le caractère d’utilité publique.

Ainsi, le législateur cantonal (la loi a été approuvée par une majorité du Grand Conseil!) estime qu’on va promouvoir la construction de logements en offrant un bonus (un sucre) consistant à augmenter la surface brute de plancher, mais en donnant ce sucre dans une potion amère et indigeste.

A l’heure actuelle, déjà, les constructeurs éprouvent des difficultés notoires à densifier. Le bonus de densification est-il la bonne solution?

Il faudrait encore parler de l’introduction dans la loi du fameux droit de préemption qui permettrait aux communes et au Canton de se saisir d’un projet élaboré par des particuliers (vendeur du terrain et promoteur). Mais la question a été traitée dans le dernier numéro de ce journal1.

Il s’est construit ces dix dernières années un nombre impressionnant de logements dans le Canton. Mais cela n’a pas suffi à résorber la pénurie car la population augmentait parallèlement de 10’000 à 12’000 habitants par année. Le taux d’augmentation de la population est en train de fléchir alors que des logements sont en cours de construction et vont être mis sur le marché prochainement. La détente a déjà commencé et certains districts ne seront bientôt plus en situation de pénurie.

L’Etat n’est pas là pour promouvoir la construction de logements, mais pour offrir des conditions cadres adéquates permettant aux constructeurs, qui ne sont pas tous des promoteurs véreux, mais le plus souvent des caisses de pensions, de construire rapidement, sans excès de procédures et complications.

La LPPPL ne va pas dans ce sens. Nous recommandons aux Vaudois de la rejeter le 12 février prochain avec un NON sec et sonnant.

Notes:

1 Olivier Klunge, «Non à un tigre de paperasse», La Nation no 2061 du 6 janvier 2017.

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