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Occident express 28

David Laufer
La Nation n° 2120 12 avril 2019

Dans une ville comme Belgrade où les puissances étrangères jouent aux échecs depuis des siècles, la diplomatie est un sport extrême. Enfin, était. Car les choses changent rapidement. Il y a quelques années seulement, les ambassades jouaient un rôle central dans cette ville. C’est là que l’on rencontrait ceux qui comptent, que l’on échangeait des informations chaudes et qu’on s’envoyait gratuitement les meilleurs champagnes. On n’aurait manqué pour rien un 1er août 2012 à l’ambassade de Suisse; le gouvernement serbe s’y rendait in corpore et les derniers invités se faisaient chasser à 3h du matin, ivres, joyeux et informés. En 2018, pas un seul ministre n’y était, pas un seul personnage d’envergure, ai-je appris, puisque je ne prends plus la peine de m’y rendre. Des discussions internes m’ont appris comment, hélas, depuis quelques années, la diplomatie suisse et européenne est de plus en plus soumise aux comptables et aux fonctionnaires des capitales. La formation du corps diplomatique subit les mêmes travers, le prestige de la fonction est un vieux souvenir et les nouveaux diplomates ont pour devoir d’être aussi inodores et incolores que possible. Pour la Suisse par exemple, les ambassadeurs doivent acheter tout le vin de l’année (exclusivement suisse bien entendu) en avance sur leurs fonds propres, et se faire ensuite rembourser par la Confédération sur production de facture conforme. Toute dépense supérieure à 5’000 francs doit faire l’objet d’un rapport et d’une autorisation. Les ministres font désormais des visites de quelques heures et ne passeraient la nuit sur place qu’en cas de danger cyclonique. La bonne nouvelle, pour la Serbie, est que ce désintérêt signifie également une marque de confiance dans l’avenir de ce pays et de cette région. L’inquiétude frénétique du passé n’est plus de mise, on se normalise, on se fond dans la masse. Mais voilà, le président chinois vient pour trois jours et Poutine pour deux jours. La nature a horreur du vide et l’Europe, occupée à assurer sa propre survie, laisse le champ libre à ceux qu’elle prétend néanmoins détester. Ce qui est d’ailleurs une vieille histoire: le désintérêt chronique des grandes nations européennes pour les Balkans est une des causes premières des troubles qui s’y sont déroulés, de l’invasion ottomane aux guerres des années 90. L’actuelle médiocrité diplomatique n’est que le dernier avatar dans cette continuité.

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