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Un homme... d’Etat, hélas!

Jean-François Cavin
La Nation n° 2122 10 mai 2019

Dans le concert de louanges qui accompagne M. Pierre-Yves Maillard à sa sortie du Conseil d’Etat, d’aucuns soulignent son sens du compromis, d’autant plus remarquable que ce politicien, dans son parcours antérieur, était très marqué à gauche. On nous permettra de ne pas partager cette appréciation.

M. Maillard a fait preuve d’autorité, d’intelligence, d’habileté, de sens du gouvernement. C’est un homme de pouvoir. On peut même dire que c’est un homme d’Etat, d’autant plus qu’il souhaite voir l’Etat tout régenter. Son œuvre politique, au gouvernement vaudois, est marquée par cette volonté constante, bien plus que par la recherche de solutions propres à rallier l’ensemble des meilleures forces du pays.

Il est pénétré de l’idée que l’économie de la santé relève essentiellement du secteur public, et non des activités privées, ce qui place les médecins et les patients, à terme, sous la surveillance de Big Brother, au détriment de la relation de confiance personnelle. Il a donc rigidifié le statut des médecins d’hôpitaux, rationné les appareils d’investigation, tenté de poursuivre un directeur d’hôpital qui ne lui obéissait pas en matière d’imagerie perfectionnée, poursuivi l’alignement des EMS sur les normes administratives. Son engagement en faveur d’une assurance-maladie étatisée, y compris pour les frais dentaires, ne s’est jamais démenti, même si le succès n’a heureusement pas couronné ses efforts. Les acteurs privés du monde médical ne vantent pas son sens du compromis...

En matière sociale, les cadeaux sont innombrables: les allocations familiales ont doublé (aux frais des employeurs), les subsides pour l’assurance-maladie ont triplé, les rentes-pont sont apparues ainsi que les prestations complémentaires aux familles. La facture sociale, largement payée par les communes, accable leurs finances. Mais c’est le prix d’une politique dont M. Maillard définit ainsi le principe: non aux baisses d’impôts, oui aux aides d’Etat aux particuliers, prétendument plus efficaces pour la classe moyenne; c’est en tous cas une bonne façon de développer le clientélisme.

L’équité commande de relever deux actions utiles du conseiller d’Etat sortant: le soutien au retour au travail des jeunes gens au chômage et le rééquilibrage des primes d’assurance-maladie injustement aggravées au détriment des Vaudois. Sur ce second dossier, encore convient-il de rappeler que c’est, il y a vingt ans environ, M. Hubert, un esprit indépendant de tendance libérale, qui a le premier mis en doute le bien-fondé des primes infligées aux Vaudois; sans être écouté par les magistrats d’alors, qui préféraient incriminer la densité médicale: l’offre pléthorique de médecins, à leurs yeux, gonflait la demande. S’il n’a pas levé le lièvre, M. Maillard a eu le mérite d’agir, au contraire de ses prédécesseurs.

Son sens du compromis aurait surtout triomphé, prétend-on, dans le cas de la fameuse RIE III vaudoise, combinant l’alourdissement de l’impôt frappant les multinationales étrangères, l’allègement de celui des personnes morales ordinaires et une brassée de mesures sociales qui n’avaient strictement rien à voir avec les adaptations du droit fiscal (ô! l’unité de la matière...); mais c’est ainsi qu’il a rallié ses camarades socialistes à la réforme proposée par le gouvernement. L’œuvre commune de MM. Maillard et Broulis serait l’expression parfaite du «compromis dynamique». Là aussi, on se permet d’en douter. Les modifications fiscales, sous la pression de l’étranger, allaient tôt ou tard s’imposer; l’habileté de M. Maillard a été de faire croire qu’on pouvait s’y refuser et que l’accord de la gauche devait être acheté au prix de substantiels versements sociaux. Et la droite a marché...

En fait, c’est la faiblesse du PLR, anesthésié par le penchant «rad-soc» de M. Broulis et de ses lieutenants, qui a puissamment contribué au succès de M. Maillard. Ce parti qui se dit de centre-droite fulmine aujourd’hui contre la croissance des dépenses sociales; si pendant quinze ans un homme énergique, intelligent et franchement de gauche a pu conduire cette politique sans coup férir, à qui la faute?

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