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Théophile Gautier: la Fête des Vignerons de 1865

Rédaction
La Nation n° 2132 27 septembre 2019

«La Fête des Vignerons de Vevey [...] mérite vraiment qu’on se dérange; c’est un spectacle bien rare dans les mœurs actuelles et qui donne une idée de ce que pouvaient être les fêtes antiques [...]. La cérémonie devait avoir lieu sur la grande place, autour de laquelle on avait élevé trois gigantesques estrades solidement construites et pouvant contenir dix mille cinq cents spectateurs, sans compter ceux qui s’étaient juchés sur les toits des maisons, d’une hauteur à dominer la place. [...]

Les nuages qui nageaient tout à l’heure sur le flanc des montagnes comme de grands poissons nonchalants s’étaient rapprochés et commençaient à se résoudre en bruine d’abord, en pluie fine ensuite, puis en pluie sérieuse. Un parapluie s’ouvrit d’abord timidement, imité par un second, un troisième, et bientôt les trois estrades offrirent à l’œil un spectacle bizarre. Vous avez sans doute vu, dans quelque vieille histoire romaine illustrée, des vignettes sur bois représentant des soldats montant à l’assaut d’une forteresse en faisant la tortue avec leurs boucliers levés au-dessus de leurs casques et rapprochés les uns des autres? Les parapluies des estrades rappelaient exactement cette figure de stratégie. Mais l’eau, filant à travers les interstices, formait sournoisement sous les pieds des spectateurs une cascade qui tombait de marche en marche comme celle de Saint-Cloud. [...]

Les trois grands prêtres et les chœurs exécutèrent un Salut à la patrie d’une harmonie grave et religieuse qui produisit un immense effet. Disons avant d’aller plus loin que toute la musique de cette fête, qui est à la fois un grand opéra et un ballet sub Jove crudo [sous un ciel cruel], a été composée par M. Grast, un homme d’un talent remarquable, et dirigée pour l’exécution par M. Plumhof, qui s’est montré très habile chef d’orchestre et de chant. [...]

La fête se termine par une noce où figure, parmi les invités, un couple de chacun des vingt-deux cantons en costume national, qui exécutent une valse avec un entrain, une grâce et une précision remarquables. [...]

Si toutes ces allégories vous semblent un peu bien païennes pour un pays chrétien, n’oubliez pas que la devise de la confrérie porte ces graves paroles répétées dans des écussons parmi les pampres mythologiques: ora et labora

   Tiré de: Théophile Gautier, Les Vacances du lundi, Paris, 1888, pp. 61-73, cité dans: Entre Arts & Lettres, Trois siècles de rayonnement culturel autour de Vevey et de Montreux, Infolio, 2018, pp. 165-166.

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