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Le gouvernement doit sa protection aux communes

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2158 25 septembre 2020

Chacun voit la commune à sa manière. Pour le citoyen consommateur moderne, une commune est un fournisseur de prestations. Elle est responsable de la déchetterie et de la station d’épuration, de l’entretien du domaine public, routes, bâtiments et forêts, des services des eaux et du feu, du transport et de la surveillance des écoliers entre l’école et la maison. Ces services sont payés par l’impôt, ils sont des droits. Le citoyen n’a d’obligations que légales et fiscales envers l’entité logistique communale. Si son logement devient trop petit, si ses obligations professionnelles l’imposent, si le taux d’impôts est plus intéressant ailleurs, il partira sans états d’âme.

Pour celui qui en est originaire, et même s’il n’y va jamais, la commune est un petit élément de son identité personnelle. Elle le lie à ses premiers ancêtres identifiés. Les origines vuargnérannes du soussigné éveillent en lui un sentiment inexprimable et inexplicable, mais réel, de fierté. Lors des fusions communales, la disparition du nom de la commune d’origine suscite un certain nombre d’oppositions entêtées.

Pour les familles qui y vivent depuis des générations, la commune est une version ramassée, immédiate et quotidienne du pays. Leurs membres y assument des responsabilités presque aussi spontanément que celles qu’ils assument envers leur famille.

Pour celui qui arrive d’ailleurs pour s’y installer définitivement, la nouvelle commune est un lieu de réenracinement social. C’est particulièrement évident quand il s’agit d’une commune à Conseil général, car il peut y jouer un rôle sans trop attendre et, surtout, sans passer par une affiliation partisane et une élection. Il lui suffit de prêter serment. Il se sent des obligations envers elle. Si la commune est grande, l’implication est en général moins forte, ou inexistante.

Pour l’administration, les communes sont une pièce du dispositif général de gestion de la société. Elles prolongent et exécutent les décisions du centre dans le pays réel.

Pour celui qui se présente à des élections cantonales ou fédérales, les communes sont un thème rebattu, à cheval sur l’institutionnel et le sociologique, l’historique et le sentimental, thème d’autant plus précieux qu’il n’engage à rien: les communes – peu importe qu’il s’agisse d’Essertes, de Renens ou de Lausanne – constituent l’ «épine dorsale du Canton», la «cellule fondamentale de la société», un «tissu de proximité», une «condition du vivre ensemble», etc. Dans un second temps du discours, un «néanmoins» bien placé remet les choses à leur place: «néanmoins, je pense que beaucoup de communes n’ont plus la taille critique»; «néanmoins, les ententes intercommunales souffrent d’un déficit démocratique croissant»; «néanmoins, il est plus nécessaire que jamais de faire des économies d’échelle»; et la conclusion naturelle: «néanmoins, je crois que, pour les communes vaudoises, il est temps de se réinventer».

Pour le gouvernement, qui a la vue générale, les communes sont tout cela à la fois: des services, des liens affectifs avec le passé, des communautés de vie quotidienne, une étape intermédiaire entre les familles et l’Etat, des contributrices nécessaires à la politique cantonale… et aussi l’épine dorsale du pays. Il leur doit sa protection, comme à tous les organes intermédiaires du pays.

Il doit, en particulier, les protéger contre les parlementaires qui ne voient dans les complexes réalités communales que des entraves à leurs réformes et qui sont toujours tentés de forcer le passage.

Mais il doit surtout les protéger contre sa propre administration. Celle-ci voit les autonomies communales comme une faille dans le jeu rigoureux de ses mécanismes. Aussi tend-elle en permanence, et sans même en avoir conscience, à réduire cette faille par de nouvelles exigences et de nouveaux contrôles. Les autorités communales, que la commune soit petite ou grande, vivent cette évolution en continu.

Ici, l’Etat doit mieux cadrer son administration, lui imposer une politique où les communes ne sont pas que des terminaux administratifs à contrôler, mais des entités anciennes, distinctes de l’Etat et de son administration, vivant aussi par elles-mêmes une vie interne pleine de richesses.

Nous suivons avec intérêt la grande tournée auprès des communes entreprise par Mme Christelle Luisier, patronne du Département des institutions et du territoire. S’agit-il de préparer le terrain pour une rénovation institutionnelle des relations entre l’Etat et les communes, en particulier de prévoir une restitution de compétences à ces dernières, accompagnée d’une diminution des exigences de l’administration centrale à leur égard et d’une meilleure maîtrise de leurs ressources fiscales? Ou ne s’agit-il que d’adoucir des contacts devenus plus que rugueux pour mieux faire passer les axes principaux d’une politique cantonale inchangée?

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