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Jojo Rabbit, ou la haine de la haine

Simon Laufer
La Nation n° 2159 9 octobre 2020

En me promenant entre les rayons, masque sur le bec, je suis récemment tombé sur le dernier film de Taika Waititi: «Jojo Rabbit». Il est sorti en salle l’hiver passé, mais je n’avais pas eu le temps d’y jeter un œil; la machine commerciale a immédiatement fait effet et, comme par surprise, m’a contraint à ajouter la boîte en plastique dans mon caddie. Comme d’habitude, c’est devant mon paillasson que l’absence de l’objet constituant la raison de mon détour en ville me frappa. Contrarié mais décidément flemmard je me résignai et insérai le DVD dans le lecteur. Les magasins seront toujours ouverts demain…

La comédie dramatique de Taika Waititi s’attaque à la haine sous toutes ses formes. Le film suit Johannes (Jojo), un enfant de la jeunesse hitlérienne, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce dernier, empreint de l’ idéologie allemande de son temps, découvre que sa mère cache une jeune juive dans leur maison. Johannes évoluera alors entre ses sentiments et les positions qui lui sont imposées.

«Jojo Rabbit» suit un schéma narratif classique, les rebondissements sont prévisibles et le traitement de la haine, et plus précisément du nazisme, sont très superficiels. Ici pas de réflexions profondes sur l’être humain, le bien et le mal, etc. Les méchants sont très méchants et les gentils très gentils. Sur le fond «Jojo Rabbit» rate le coche en se présentant comme un film contre la haine. Faire du «méchant» un personnage sans la moindre nuance (exception faite pour le Captain K) et, pire encore, éviter toute réflexion à l’égard de ses propos constitue une fermeture au dialogue et pousse le spectateur à la haine. L’inverse eût été malvenu, néanmoins le message eût été plus intéressant si les personnages avaient plus de profondeur. Une fois ce constat passé, force est d’admettre que «Jojo Rabbit» est très sympathique. Ambiance décontractée, humour agréable, le film est même plutôt beau et les musiques, grands classiques de la pop culture traduits en allemand, s’intègrent bien aux scènes.

Si le film ne brille pas par son scénario ou ses rebondissements, il trouve son originalité en faisant usage d’un ami imaginaire, sous la forme d’Hitler, suivant les aventures de Jojo. L’alchimie entre les deux personnages est savoureuse et ajoute une touche amusante au film. Il est aussi à noter que le jeu entre les adultes et les enfants, voire l’inversion de leurs rôles respectifs est assez réussi. Que ce soit par l’échelle de taille des personnages, leurs placements dans le cadre (la tête d’un protagoniste à hauteur des pieds de l’autre, etc.) ou leurs comportements et visions du monde.

Au final «Jojo Rabbit» est un feel good movie. Il se regarde n’importe quand avec n’importe qui. Il n’offensera personne et amusera son public tout en restant en superficie de problèmes plus complexes. A défaut de réelle force, l’œuvre de Taika Waititi reste une expérience agréable.

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