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Actualités  |  Mardi 11 mars 2014

Une guerre est toujours possible

Selon le progressiste ordinaire, l'humanité est en train de devenir «adulte». Elle a appris de ses erreurs et nous nous acheminons vers la paix universelle. Pour certains, c'est une certitude de type religieux. Douter de cet âge d'or à venir, c'est pécher contre le saint Esprit. S'armer préventivement, c'est désespérer de la bonté du monde.

Tout au plus le progressiste admet-il que l'armée suisse soit intégrée à une force de police internationale destinée à extirper les dernières poches de résistance du monde ancien. «Faire dégager» MM. Assad et Poutine, comme on a fait dégager d'autres dictateurs, représente l'ultime justification à l'emploi des armes. Ce ne sont d'ailleurs pas des guerres, argumente-il, ce sont des actions chirurgicales au service de la paix et du progrès.

C'est – ou plutôt c'était – donc dans une ambiance moyennement propice aux dépenses militaires que les Suisses se préparaient à voter, en mai prochain, sur cet achat de vingt-deux avions Gripen contre lequel les antimilitaristes avaient lancé un référendum.

Et puis, voici que surviennent des événements inattendus, en tout cas pour le commun des mortels: le parlement de la province autonome de Crimée, soutenu, pour ne pas dire encouragé par le Kremlin, demande sa séparation d'avec l'Ukraine et son rattachement à la Fédération de Russie. Kiev dissout ledit parlement. M. Ban Ki-moon juge l'annonce de ce référendum «préoccupante et grave». Mme Merkel dit que la demande est «illégale», M. Obama, qu'elle est «anticonstitutionnelle», l'Union européenne prend des sanctions administratives et M. Hollande agite ses petits poings.

Les principes «non-négociables» s'affrontent: les Russes évoquent  le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le gouvernement ukrainien invoque la garantie de son intégrité territoriale. A coup de menaces réciproques, on met en marche une mécanique qui pourrait conduire à la guerre d'ici peu si la Crimée persiste dans son dessein séparatiste.

Le conflit politique entre l'Ukraine, qui vient de supprimer le russe comme langue nationale, et la Russie qui veut protéger les russophones de Crimée et accessoirement pacifier les alentours de son territoire, s'est mué en un conflit idéologique qui peut s'étendre à la moitié de la planète. Avec ce genre d'affrontements multilatéraux, on sait qu'il suffit d'un rien, d'un seul acte jugé «inacceptable» pour que les forces se déchaînent.

Cette affaire rappelle aux Suisses qu'il n'y a pas de progrès général, pas de paix acquise une fois pour toutes. Les menaces viennent aujourd'hui de la Crimée, demain, ce sera d'ailleurs. La Confédération doit être prête.

Le soussigné, comme la plupart des citoyens suisses, n'est pas compétent pour juger les qualités militaires des Gripen. Mais il sait qu'il nous faut une armée à la hauteur et qu'elle ne le sera pas si le peuple refuse de moderniser nos forces aériennes.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 11 mars 2014)