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Actualités  |  Mardi 26 février 2013

Traçable… à l'intérieur de nos frontières

L'affaire des lasagnes de bœuf au cheval fera bientôt partie du passé. L'entreprise Spanghero aura joué le rôle de bouc émissaire et son directeur celui de fusible. Les politiciens et les médias se seront indignés. Que faire de plus? L'abcès est pratiquement résorbé: passons à autre chose!

En réalité, qui peut imaginer une seule seconde que Findus est un accident isolé dans un monde économique parfait? Comment ne pas se dire que cette affaire est emblématique de l'«ordre économique mondial» à travers lequel les produits alimentaires circulent follement, transitant d'un Etat à l'autre, d'une entreprise à l'autre, d'un emballage à l'autre, changeant de nom et de composition au gré des exigences du «marché»? Comment ne pas se demander si ce prétendu ordre mondial est autre chose qu'un filet crevé, un désordre non maîtrisable, un sombre et grouillant foutoir?

Il y a trois ans, les Suisses lui ouvraient grand la porte en se soumettant spontanément au principe du Cassis de Dijon: tout produit alimentaire en provenance de n'importe où et validé par n'importe quel Etat de l'Union européenne serait désormais réputé conforme aux normes de qualité imposées aux producteurs suisses.

A l'époque, les associations agricoles et les fédérations de consommateurs n'avaient pas soutenu le référendum contre le Cassis de Dijon, assurant que l'obligation d'indiquer la provenance sur les emballages permettrait de contrôler suffisamment le respect des normes suisses. «Traçabilité» était leur maître mot.

Malgré ces assurances et celles du Conseil fédéral, on vit d'un jour à l'autre mille produits non conformes déferler sur la Suisse, jambons pleins d'eau, jus de fruits sans fruits, riz aux pesticides, crèmes translucides. Preuve était faite que l'indication de provenance restait à la surface des choses et ne permettait pas un réel contrôle de qualité.

C'était en fait le principe même de la libre circulation des marchandises qui montrait ses carences.

Assurer la traçabilité et la qualité est possible dans le cadre d'un ordre économique stable dont les acteurs sont soumis aux mêmes usages, aux mêmes lois et aux mêmes sanctions. Mais les pérégrinations internationales des produits alimentaires introduisent un tel jeu, une telle opacité dans les rouages des filières que les menaces de fraude sont constantes et les fraudes nombreuses.

Dès lors, tout se joue se joue aux frontières. Il faut les réhabiliter dans leur rôle premier si l'on veut protéger non seulement une organisation politique et sociale cohérente, mais aussi l'ordre agricole et alimentaire qui assure sa survie.

Même si nos autorités refusent de le faire comprendre aux Etats qui nous entourent, le consommateur peut se contraindre – douce contrainte! – à consommer vaudois et suisse. On le faisait par solidarité avec les paysans. On le fera désormais aussi pour savoir ce qu'on mange et pour préserver sa santé.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 26 février 2013)