Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Relance à la suisse

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1857 27 février 2009
Dans le dernier numéro de Patrons, M. Christophe reymond énumère les défauts propres à la planification étatique de l’économie. Rappel d’autant plus utile que la compétence de l’administration en cette matière semble aujourd’hui ne faire aucun doute dans l’esprit des commentateurs de la presse et des partis du centre et de la gauche.

L’Etat est fondamentalement mal placé pour régler les affaires économiques. La qualité des hommes au pouvoir n’est pas en cause, mais bien plutôt la nature des moyens que l’Etat met en oeuvre. Ses décisions sont toujours générales, unitaires et de type administratif. Elles entrent en vigueur selon la marche à suivre. Ce sont des mécaniques lentes à mettre en oeuvre, impossibles à freiner ou à réorienter une fois en mouvement. On a donc tout lieu de craindre que les mesures de relance ne commencent à déployer leurs effets qu’à la fin de la crise, et qu’elles contribuent surtout à déstabiliser l’économie qui redémarre en la faisant basculer de l’autre côté, celui de la surchauffe et de l’inflation.

La vie de l’économie est multiple et créative. Elle demande à chaque patron de prendre ses décisions d’ensemble et de détail en les adaptant constamment à la situation particulière de l’entreprise. La patauderie abstraite et anonyme de la bureaucratie est particulièrement inutilisable dans ce monde mouvant où le caractère, l’imagination, le sens du concret et la capacité de rebondir sont les qualités essentielles du décideur.

Les plans de relance étatiques sont coûteux et vident durablement les caisses publiques. Les sommes énormes qu’ils nécessitent suscitent la convoitise des groupes de pression commerciaux et politiques. L’argent ne va pas forcément où il devrait aller.

L’échec d’une intervention de l’Etat ne remettra jamais en question le principe de l’intervention. On en tirera simplement la conclusion qu’on n’était pas allé assez loin et qu’il faudra à l’avenir renforcer ladite intervention.

Enfin, efficace ou non, toute intervention des pouvoirs publics amorce l’engrenage bureaucratique. Le transfert du pouvoir économique au pouvoir politique, théoriquement provisoire, est en réalité presque irréversible. L’administration aime le pouvoir et le citoyen aime les subsides. Quel bureaucrate a jamais imaginé la restitution d’une seule virgule de règlement à l’économie privée? et qui, quelle association peut affirmer avoir renoncé volontairement à un seul centime d’une subvention qu’on ne lui contestait pas?

Il y a une vie économique après la crise. Ne sacrifions pas trop vite, sous prétexte d’urgence, l’autonomie des entreprises et l’argent des contribuables!

Si M. Reymond se dit néanmoins favorable au plan de relance en trois phases du Conseil fédéral, c’est qu’au fond, ce n’est pas un plan. La première phase, déjà entamée, est la libération des fonds bloqués, constitués à titre de réserves par certaines entreprises et bénéficiant de taux fiscaux avantageux; le montant de ces fonds est d’environ 550 millions; les autorités fédérales veulent aussi avancer la réalisation de certains grands travaux publics déjà prévus, pour un montant d’environ 340 millions. La seconde phase prévoit une rallonge budgétaire de 700 millions de francs qui sera consacrée aux infrastructures, notamment routières, énergétiques et ferroviaires; cette étape comprend aussi des mesures législatives facilitant les exportations et les rénovations immobilières; enfin, la durée des indemnités accordées aux entreprises pour chômage partiel sera prolongée de moitié. La troisième étape est fiscale, le Conseil fédéral a décidé d’accélérer la compensation de la progression à froid pour maintenir le pouvoir d’achat et d’alléger les impôts qui frappent les familles.

On le voit, il s’agit moins d’un plan d’ensemble que d’un certain nombre de mesures particulières, prises pour l’essentiel dans le cadre ordinaire de la politique fédérale.

La presse est déçue. Tandis que les pays industrialisés, les Etats-Unis, le Japon, la Chine, la France, annoncent sur le mode incantatoire de vastes plans d’ensemble et jonglent dans le flou avec les centaines de milliards salvateurs, les autorités fédérales ne proposent que des mesures désespérément ordinaires. Or, la presse, c’est d’abord du spectacle, et il faut bien convenir que les projets fédéraux sont moins spectaculaires que l’expulsion de la mère des octuplés californiens ou qu’un ventre féminin gravé au logo de l’UDC.

La presse, c’est ensuite le désir lancinant de nous aligner sur l’Europe et le reste du monde. Or, la modestie et la précision des mesures de relance suisses leur confère quelque chose d’original qui sent un peu trop son Sonderfall helvétique. C’est pour la presse un autre motif de déception. Nous nous en remettrons.

Les cantons – qui représentent à peu près un tiers des dépenses publiques en Suisse – annoncent leurs propres plans de relance. Souhaitons pour une fois que les politiques cantonaux imitent le Conseil fédéral et résistent à l’envie de se faire bien voir de la presse et de leurs électeurs en jouant les hommes providentiels avec des sous qu’ils n’ont pas.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Oui, ils le peuvent! – Cédric Cossy
  • Pierre de scandale, un roman historique sur les traces de Jean Calvin – La page littéraire, Vincent Hort
  • Musique perdue au XXe siècle: Mieczysław Weinberg – La page littéraire, Jean-Blaise Rochat
  • Drôle d'armée - A propos de la nomination du futur chef de l'armée – Pierre Rochat
  • Statistiques vaudoises – Cédric Cossy
  • Fédéralisme au parti radical vaudois: la Ligue vaudoise dit bravo! – Félicien Monnier
  • La relance dans la presse – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Recherche chercheurs sachant parler français – Le Coin du Ronchon