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«Ensemble, construisons l’avenir»

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1927 4 novembre 2011
Une annonce électorale avec photo et slogan appelle l’électeur à voter socialiste. Le slogan est le suivant: «Ensemble construisons l’avenir.» La formule a tout pour plaire. De chacun des trois termes émane une odeur entièrement positive. Son absence d’originalité même suggère une bonhomie conviviale, le refus du sectarisme, voire un minimum de sens des responsabilités. Elle n’en accumule pas moins, en trois mots, trois mensonges politiques majeurs.

En matière politique, le terme ensemble utilisé tout seul désigne l’entier du pays. Or, sauf en régime de parti unique, rien n’est plus profondément contraire à la vision des partis. Un parti, le terme lui-même le rappelle, est partisan, c’est-à-dire que son jugement et ses décisions sont orientés en fonction de l’intérêt de ses chefs et de ses troupes. Par définition, il ne met ensemble qu’une partie du peuple. Il est conçu pour écarter, réduire, vaincre les autres partis, lesquels ont la même disposition à son égard. D’entrée de cause, le jeu électoral fait que chaque parti exclut une part bien réelle de la population de l’«ensemble» politique. L’ensemble, c’est l’ensemble des personnes qui pensent et votent comme moi et pour moi.

Construire est aussi un beau mot. Mais le parti socialiste ne construit guère. De sa part, on assiste surtout à des destructions, celle des cantons, chaque jour amputés de nouvelles compétences au nom de la rationalité, celle de la souveraineté, de la neutralité et de l’armée suisses au nom de l’ouverture et de la gouvernance mondiale, celle du droit de la famille, légalement privée de nom et de chef au nom de l’égalité. On peut encore évoquer la destruction de la médecine libérale, de l’Ecole et des humanités, des autonomies communales, de la propriété individuelle. Il n’y a en réalité qu’une seule et unique construction dont les socialistes peuvent légitimement se targuer, c’est celle d’une bureaucratie mycélienne qui envahit toute chose et échappe pour une bonne part au contrôle du pouvoir politique.

Disons-le tout de suite, les autres partis ne sont pas forcément plus doués que le parti socialiste pour la construction, ou même simplement pour l’entretien de la communauté politique. Ils ont d’ailleurs contribué à la plupart de ces destructions, quand ils n’ont pas conduit la manoeuvre eux-mêmes. En ce sens, le slogan «par amour de la Suisse» du parti libéral-radical méritera lui aussi une petite étude de texte.

Si nous parlons des socialistes, c’est que l’annonce était socialiste et que le slogan accompagnait la photo d’un candidat socialiste non seulement au Conseil national, mais aussi au Conseil fédéral. De plus, c’est le parti socialiste qui exprime le plus clairement sa volonté de détruire les traditions et droits liés à notre histoire particulière pour leur substituer l’universalité des droits de l’homme. En ce sens, son action destructrice est cohérente. Il faudrait juste le dire: «Ensemble, détruisons le passé…»

Quant au troisième terme, il laisse entendre que l’avenir est une page blanche sur laquelle on peut écrire ce qu’on veut. Il suffit donc de bien voter pour que le lundi matin qui suit les élections, le parti vainqueur inaugure cet avenir socialiste radieux auquel nous tendons depuis si longtemps.

L’ennui, c’est que l’avenir n’est pas à notre disposition. Le passé et le présent s’imposent à lui, et à nous. Il faudrait au moins dire «construire l’avenir en tenant compte du passé et en respectant ce qui fonctionne aujourd’hui». Mais la politique électorale a besoin de simplicité. Et le passé n’est pas simple. Le bien et le mal, l’ordre et le désordre, le sens et le non-sens y sont trop étroitement mêlés. Et le présent est pareil, en moins saisissable. Passé, présent ou avenir, nous sommes portés par des forces de nature et de civilisation qui durent depuis longtemps voire, pour certaines, depuis la fondation du monde. Il est plus expédient de les négliger et faire comme si le monde commençait à la prochaine élection.

L’amnésie, qu’il s’agisse de l’histoire ancienne ou des promesses les plus récentes, est constitutive du régime.

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