Deux bicentenaires - Bilan bibliographique

La commémoration des événements de 1798 et de 1803 a suscité dans le Canton de Vaud une floraison d’ouvrages historiques qui, tout en satisfaisant pour la plupart aux exigences scientifiques, ont mérité de retenir l’attention du grand public. La page étant tournée, il n’est pas sans intérêt de dresser un bilan qui n’est pas exhaustif.

Comme il se devait, la Bibliothèque historique vaudoise a participé activement à cet effort éditorial. En 1999, en collaboration avec la Revue historique vaudoise, elle a fait paraître Bon peuple vaudois, écoute tes vrais amis qui réunissait 80 documents – des discours, des proclamations, des pamphlets – diffusés dans le Pays de Vaud de décembre 1797 à avril 1798 et présentés par Mme Danièle Tosato Rigo et M. Silvio Corsini (BHV No 114). En 2000, la BHV a publié sous le titre Vaincre ou périr une histoire de la Légion fidèle de Ferdinand de Rovéréa, due à la plume de M. Sébastien Rial (BHV No 119). En 2002, paraissait Vaud sous l’Acte de Médiation, 1803-1813 (BHV No 122), œuvre collective considérable, éditée avec la collaboration de la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie, donnant une image très variée et vivante des premières années de notre Canton. Sous la direction de M. Olivier Meuwly, avec la collaboration de M. Bernard Voutat, la BHV a édité en 2003 une autre œuvre collective importante Les Constitutions vaudoises 1803-2003 qui mérite bien son sous-titre Miroir des idées politiques car il rassemble les contributions d’une vingtaine de juristes, de politologues et d’historiens appartenant à différentes familles politiques. Le dernier ouvrage paru est sorti de presse au début de cette année. Intitulé Patriotes et Contre-révolutionnaires, il est consacré aux luttes pamphlétaires dans le canton du Léman sous la République helvétique (BHV No 125). Il est l’œuvre de Mme Jasmine Menamkat Favre et constitue en quelque sorte la suite de la recension des pamphlets présentés par Mme Tosato Rigo et M. Corsini dans le numéro 114 de la BHV. L’auteur, disciple de Mme Tosato Rigo, n’a cependant pas adopté le même parti que ses devanciers. Alors que ceux-ci avaient mis l’accent sur la transcription des textes eux-mêmes, Mme Menamkat Favre n’en reproduit que des extraits qu’elle publie en annexes. L’objet principal de son étude est, comme l’indique le titre choisi, la présentation des acteurs auteurs, les partisans de l’Ancien Régime, d’une part, et les partisans du «nouvel ordre des choses», d’autre part, et la description du cadre historique et institutionnel, description qui est particulièrement intéressante car elle met en lumière des circonstances sociales et économiques connues seulement des historiens spécialisés. Notamment les conditions d’exercice de la liberté de la presse nouvellement reconnue mais mise au service de l’éducation civique, la propagande officielle du gouvernement, la chaîne de transmission des écrits: les imprimeurs, le réseau postal, les diffuseurs d’occasion tels que les colporteurs et autres marchands ambulants, pour aboutir aux lecteurs qui ne devaient représenter en fait qu’une petite partie de la population vu le faible degré d’alphabétisation. C’est ainsi tout un pan de la vie publique sous la République helvétique qui nous est dévoilé.

Complétons cet inventaire en mentionnant quelques productions d’autres éditeurs. Le Grand Conseil vaudois de 1803, édité en 2003 par le Cercle vaudois de généalogie, contient les notices biographiques des députés élus en 1803, 1808 et 1813, rédigées par MM Pierre-Yves Favez, Gilbert Marion et leurs collaborateurs. Créer un nouveau canton à l’ère des révolutions est une publication commune du Bollettino Storico della Svizzera Italiana et de la Revue historique vaudoise; parue en 2004, elle a été conçue et dirigée par M. Fabrizio Panzera, Mme Elisabeth Salvi et Mme Danièle Tosato Rigo pour conclure des journées d’études organisées à Bellinzone et à Lausanne au printemps 2003; elle révèle notamment que l’identité tessinoise s’est développée contre l’Etat moderne centralisateur tandis que l’identité vaudoise s’est construite en opposition à l’Ancien Régime, deux tendances diamétralement opposées. D’autres journées d’études ont eu lieu; les «actes» de ces colloques contiennent les travaux présentés à ces diverses occasions; ils sont généralement propres à susciter l’intérêt du grand public car ils apportent souvent des éclairages originaux sur les transformations qui ont marqué la société et nos institutions à cette époque. Aux Editions Cabédita, il faut signaler deux études historiques parues en 2003: dans la première, M. François Cojonnex a rendu hommage à Benjamin Muret-Grivel Inspecteur des Milices vaudoises en retraçant la carrière de l’officier vaudois qui organisa et instruisit les milices du Pays de Vaud fraîchement parvenu à l’indépendance; dans la seconde, intitulée Les Vaudois de Napoléon, des pyramides à Waterloo 1798-1815, M. Jacques Tornare met en valeur le rôle joué par la participation vaudoise à l’épopée napoléonienne. Le Cahier No 142 de la Renaissance Vaudoise L’Acte de Médiation du 19 février 1803, édité par M. Antoine Rochat avec la collaboration de M. Alain Pichard, contient le texte intégral de l’Acte, c’est-à-dire l’adresse initiale de Bonaparte, les 19 constitutions cantonales, la constitution fédérale et les dispositions d’exécution, le tout précédé d’une substantielle introduction du Professeur Denis Tappy. Dans la collection Etudes et Enquêtes du Centre Patronal, le Professeur François Jequier a dirigé une publication parue en 2003 sous le titre Le Canton de Vaud de la tutelle à l’indépendance (1798-1815) qui jette des regards nouveaux sur l’économie et les finances, les BourlaPapey et la contrerévolution; elle s’achève par une bibliographie où le lecteur trouve la liste complète des parutions historiques suscitées par les deux bicentenaires. A ce propos, ne manquons pas de signaler la contribution du Professeur Jequier dans le tome 112/2004 de la Revue historique vaudoise, ouvrage collectif consacré à L’apport des mémoires universitaires à l’histoire vaudoise; M. Jequier y dresse un premier bilan historiographique du bicentenaire 1803-2003. Il faut mentionner enfin l’élégante plaquette qu’a fait paraître la Fondation du bicentenaire aux Editions Favre, à fin 2003, et qui, comme l’indique son titre Images et récits du Bicentenaire, rend compte sous une forme très attrayante de ce que fut la seconde commémoration.

L’effort accompli par tous ces auteurs et éditeurs est considérable et qualitativement remarquable. Il témoigne de la vitalité de la recherche dans notre Canton et du dynamisme des personnalités qui la conduisent. L’histoire vaudoise est bien servie.