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Le wokisme n’existe pas

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2223 24 mars 2023

Woke, comme chacun sait, signifie «éveillé». Aujourd’hui, les wokes refusent ce nom, qu’ils s’étaient pourtant donné eux-mêmes. D’une certaine manière, ils ont raison. Le regroupement sous un vocable unique de toutes ses tendances et sous-tendances donne au wokisme l’apparence d’une cohérence qu’il est très loin d’avoir.

Il y a des féministes qui s’engagent pour faire valoir les talents propres à la femme mais niés par les hommes. Et il y en a d’autres qui refusent absolument cette idée, ne distinguant dans les prétendues spécificités féminines que des constructions sociales d’origine masculine, des «stéréotypes» que le mâle «assigne» aux femmes pour les assujettir.

Les obligations vestimentaires des musulmanes, voile, hidjab, niquab, burka ou burkini, opposent les féministes qui s’indignent du mépris islamique pour les droits des femmes et celles qui, au nom de la lutte contre l’islamophobie, contestent aux Européens le droit d’imposer leur culture à d’autres.

Des féministes dénoncent les «femmes trans» qui, dans les compétitions sportives féminines, profitent de leur force mâle pour occuper les premières places. En retour, les trans dénoncent ces féministes comme des transphobes, plus exactement comme des «essentialistes transphobes».

L’essentialiste, aux yeux du woke, c’est celui qui aborde toute chose selon des normes dites «naturelles», en réalité fantasmées, et refuse de donner droit à la diversité et à la créativité des personnes humaines. Face à l’essentialiste, l’acronyme LGBTQ et son extension constante illustre, bien au-delà du féminisme binaire des débuts, la richesse du monde et la liberté illimitée de l’individu.

La liste LGBTQ valide chaque orientation ou sous-orientation sexuelle en lui attribuant une initiale spécifique. Idéalement, toute personne étant unique, chacune devrait avoir sa propre initiale.

En l’absence de normes générales auxquelles référer ses jugements, le sentiment personnel passe au premier plan. Si j’affirme ressentir comme offensant un geste, une parole, voire un simple regard, j’ai forcément raison, puisque c’est de mon ressenti qu’il s’agit. Personne ne peut contester l’ampleur des souffrances dont cette «micro-agression» me fait la victime. Ma subjectivité est ici objectivité pure.

Du même coup, mon ressenti, incommunicable et imperméable au jugement d’autrui, m’enferme en moi-même, dans mes certitudes, mes questions et mes soucis. Il m’interdit toute participation réelle à une communauté, laquelle suppose la soumission à un certain nombre de normes comportementales. Ma liberté est aussi un enfermement.

On n’en finit jamais de détailler le wokisme. Un homme peut se dire femme sans même envisager d’intervention médicale. Il suffit qu’il se ressente femme et le proclame, même s’il est chauve et barbu et conserve ses attributs virils. Dès lors, le mot «femme» ne correspond plus à rien de physique, de moral ou de social. Le concept de femme, ou d’homme, n’est plus qu’une carapace vide.

Les contradictions ne sont pas moindres avec la dénonciation du «racisme systémique» des blancs. On nous objectera que les blancs sont dénoncés non en tant que blancs, mais parce que toute leur culture incarne, conserve et promeut la domination systémique d’une prétendue race blanche sur une prétendue race noire. Autrement dit, la mise en accusation des blancs ne relève pas du racisme mais de la légitime défense des peuples de couleur, lesquels sont contraint de lutter sur un terrain choisi par les blancs eux-mêmes. Et le racisme disparaîtra quand la civilisation blanche aura fini d’être déconstruite.

Dans la réalité de tous les jours, cette distinction n’a aucun sens. Elle risque tout au plus de légitimer un racisme tout ce qu’il y a de banal à l’égard des blancs.

Le mâle blanc qui tient un discours woke échappe-t-il au racisme et au sexisme systémiques qui, à ses propres yeux, lui sont consubstantiels? Si oui, alors le racisme systémique n’existe pas. Si non, alors ses propos, sous leur feinte correction antiraciste, dissimulent une forme particulièrement retorse de racisme. Dans les deux cas, il vaudrait mieux qu’il se taise.

Le wokisme n’est pas une réalité, mais une étiquette collée sur un désordre. On ne peut définir un désordre, mais seulement l’ordre auquel il porte atteinte. C’est ainsi que l’existence de la nébuleuse woke nous amène à mieux discerner et définir, pour mieux le protéger, ce qui nous reste de cet ordre .

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