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Le Regard Libre no 100

Colin Schmutz
La Nation n° 2242 15 décembre 2023

Il n’aura échappé à personne que le délai entre le déroulement d’un fait et sa médiatisation devient toujours plus court. De nombreux sites d’information proposent des directs qui rendent compte minute par minute, par écrit, de l’évolution d’un événement en cours, tel que l’invasion d’un pays ou la tenue d’un scrutin. Sur les réseaux sociaux fleurissent également de nombreux comptes qui ne sont affiliés à aucun organe de presse officiel et qui, grâce à un solide réseau d’informateurs, se donnent pour mission de rapporter des événements le plus rapidement possible. Ces canaux offrent ainsi l’avantage de l’immédiateté, mais privent le lecteur du recul nécessaire à une saine compréhension et à une analyse pertinente de l’actualité.

On conçoit aisément que ces innovations puissent représenter une rude concurrence pour la presse conventionnelle. Mais cela lui donne aussi l’occasion de s’en démarquer en offrant au public cette plus-value que les médias de l’immédiat ne lui permettent pas d’obtenir. La presse papier trouvera peut-être un avenir plus radieux sous les auspices du magazine hebdomadaire ou de la revue (bi) mensuelle que dans le journal quotidien dont la fréquence de parution est trop basse pour pouvoir assouvir les exigences d’instantanéité de notre époque, mais trop élevée pour avoir le temps d’offrir une analyse réflexive sur l’actualité.

Le Regard libre est un mensuel romand fondé en 2014 par M. Jonas Follonier, alors jeune étudiant au collège des Creusets à Sion. Comme l’indique son slogan («Plus de réflexion sur l’information»), ce magazine vise justement à se détacher de la pure temporalité des événements pour en extraire les enjeux intellectuels qui les sous-tendent. Créé pour «combler un vide dans la vie des idées» selon les termes de M. Follonier, il paraissait pour la centième fois en octobre dernier. Ce fut l’occasion d’un numéro spécial de cent pages dans lesquelles la rédaction est revenue sur cette audacieuse épopée journalistique. On peut y lire des témoignages de lecteurs fidèles, ainsi qu’une rétrospective des évolutions survenues en Suisse et dans le monde ces dix dernières années dans les domaines, entre autres, des idées, des médias, de la musique et du sport. On y retrouve aussi un débat opposant les deux anciens conseillers fédéraux Pascal Couchepin et Christophe Blocher sur les thématiques de l’immigration, l’Europe, l’économie et les médias, ainsi qu’un long entretien avec le conseiller national et président de l’Union syndicale suisse Pierre-Yves Maillard. Enfin, une dizaine de pages sont consacrées à l’actualité littéraire suisse.

Cette diversité des thèmes et des idées fait du Regard Libre une revue éclectique et généraliste qui apporte une contribution enrichissante au paysage médiatique romand que l’on dit volontiers en crise. Issue d’une sensibilité libérale, elle évite soigneusement les écueils de l’idéologie en ouvrant ses colonnes à différents bords politiques et en stimulant le dialogue et la contradiction dans ses pages.

Comme il le rappelle dans son numéro spécial, Le Regard Libre fut précurseur dans sa critique du spectre déconstructiviste et autres dérives sociétales qui hantent l’université. Dans son article, l’historien Olivier Meuwly renvoie dos à dos ces idéologies et l’essor des populismes en Europe qui menacent les démocraties libérales. Il appelle, en conséquence, à réaffirmer la démocratie face au repli des wokistes et des illibéraux. De notre côté, nous pensons que l’idéal de la démocratie libérale contient en lui-même les conditions de son autodestruction. En promettant à tous l’égalité des droits et en sapant les autorités naturelles et traditionnelles, le paradigme libéral a mis les individus en concurrence les uns avec les autres attisant l’envie et le ressentiment qui s’incarnent alors dans des idéologies souvent irrationnelles et parfois dangereuses.

Quand l’honnêteté intellectuelle est de mise, il est toujours possible de dialoguer avec des gens issus d’une autre tradition intellectuelle et de trouver des points d’accord, à la condition de se soumettre aux exigences de la raison et de donner la priorité aux faits sur les préconceptions idéologiques.

Nous saluons pour cela la rigueur et le travail du Regard Libre et son active contribution au débat d’idées depuis dix ans.

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