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Financement uniforme des soins: de quoi parle-t-on?

Jean-Hugues Busslinger
La Nation n° 2246 9 février 2024

Un antique dossier – il remonte à 2009 – vient de trouver son épilogue au Parlement fédéral, celui du financement uniforme (ou moniste) des prestations de soins. On le sait, le financement de ces prestations suit à l’heure actuelle des chemins différents selon que l’on se situe dans le domaine des soins hospitaliers (donc avec nuit(s) en hôpital) ou dans celui des prestations ambulatoires. Les soins hospitaliers sont pris en charge à raison de 55% par le canton où les soins sont dispensés et à raison de 45% par l’assurance obligatoire des soins (AOS) tandis que les soins ambulatoires – qu’ils soient dispensés par les cabinets médicaux ou à l’intérieur d’une structure hospitalière – sont entièrement à charge de l’assurance-maladie (AOS). Ce système, qui remonte à l’origine de la LAMal en 1994, doit dorénavant être remplacé par un système de financement moniste, c’est-à-dire sans distinction entre soins ambulatoires et hospitaliers.

Du stationnaire vers l’ambulatoire

La LAMal a bientôt 30 ans et il est indubitable que bien des choses, en matière de prestations de soins, ont changé depuis son adoption. En effet, on assiste depuis une vingtaine d’années maintenant à un glissement du stationnaire vers l’ambulatoire. Nombre d’opérations qui nécessitaient auparavant une ou plusieurs nuits d’hôpital sont dorénavant effectuées en ambulatoire: le patient entre le matin et ressort le soir de l’hôpital. Cette évolution est à ce point manifeste que certaines opérations courantes doivent dorénavant impérativement être pratiquées en ambulatoire: elles ne sont remboursées que lorsqu’elles sont effectuées ainsi, sauf si des conditions particulières nécessitent un traitement stationnaire. A titre d’exemple on citera la méniscectomie ou l’arthroscopie du genou, certains traitements d’hernies ou d’hémorroïdes. Les progrès de la science médicale expliquent cette évolution, qui présente d’autres avantages comme une mobilisation plus rapide après opération (et donc une récupération plus rapide) ou une exposition réduite aux maladies nosocomiales. Mais ce transfert vers l’ambulatoire a aussi des effets financiers, notamment pour les hôpitaux publics. Les opérations ambulatoires – tout comme les autres soins ambulatoires – sont, on l’a vu, exclusivement à charge des patients et de leur assurance-maladie. Le canton économise dès lors la part de 55% qu’il doit supporter et cette part se reporte sur les patients, donc sur leurs assurances. Ainsi, si la part supportée par l’impôt diminue, les primes augmentent en conséquence.

Un système déjà contesté

Le financement unifié, adopté par le Parlement en décembre dernier, prévoit que toutes les prestations de soins, y compris les soins de longue durée dispensés par les CMS ou dans les EMS, seront dorénavant logées à la même enseigne: un financement à raison de 26,9% par les cantons (donc par l’impôt des contribuables) et à raison de 73,1% par les assurances maladie, donc par les primes payées par les assurés. On relèvera que le projet qui, comme souvent, résulte d’un compromis, a été soutenu par la Conférence des directeurs de la santé, notamment du fait de l’inclusion des soins de longue durée. Un référendum lancé par le Syndicat des services publics est toutefois en cours de récolte de signatures, aux motifs que le projet serait «antisocial, augmentera les primes d’assurance-maladie, dégradera les conditions de travail des personnels de santé et nuira à la qualité des soins».

On se doit de nuancer l’avis du syndicat. Tout d’abord parce que le taux respectif des parts dévolues aux patients (et à leurs assureurs) et aux cantons a été fixé de manière à ce que la réforme soit neutre sur le plan des coûts. Le maintien (il ne s’agit pas d’une nouveauté) de la part supportée par les patients, plafonnée à 23 francs par jour, permet cette neutralité, mais la gauche aurait souhaité l’abolir, ce qui justifie peut-être une part de son opposition. Ensuite, parce que la crainte d’une emprise plus forte des assureurs aux dépens des cantons ne paraît que difficilement justifiée. Dans le contexte d’un glissement toujours plus prononcé du stationnaire vers l’ambulatoire, on devrait se réjouir d’une participation cantonale aux soins ambulatoires. Quant à l’augmentation des primes d’assurance-maladie, la participation cantonale à l’ensemble des soins est plutôt de nature à lisser l’évolution alors que, dans le système actuel, le report vers l’ambulatoire met l’intégralité des coûts à charge des patients et de leurs primes. On ne peut, comme la gauche politique le dénonce régulièrement, fustiger les augmentations de primes et refuser les adaptations de nature à en ralentir la croissance. Le système adopté supprime ainsi quelques fausses incitations puisque, si l’évolution vers toujours plus de soins dispensés en ambulatoire reste manifeste, l’argument financier pour accroître ce report disparaît.

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