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A propos d’une manifestation en faveur des Palestiniens

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1855 30 janvier 2009
Le mercredi 14 janvier dernier, passant devant l’église Saint-Laurent, nous avons dû nous frayer un passage à travers un attroupement compact. C’était le cortège de protestation contre la politique d’Israël à Gaza qui s’achevait sur les marches du temple. Au micro, Mme Anne-Catherine Menétrey parlait de justice, de paix et d’autres choses semblables. Derrière elle se tenait M. zisyadis.

«Nous sommes tous des Palestiniens», «Israël assassin», scandaient les cinq cents personnes présentes. La presse a peu parlé de l’affaire, Le Temps n’en a rien dit. Le même jour à Genève avait lieu une manifestation en sens inverse, les participants clamant leur soutien à la politique d’Israël.

La foule s’est dispersée dans le calme et il n’y a pas eu de dégâts matériels. Faut-il pour autant parler d’une manifestation «bon enfant», selon la formule papelarde qu’utilise la presse dans ce genre de situation? Le matin même, au haut du Petit-Chêne, une vieille dame m’avait remis le papillon qui appelait à la manifestation. Un texte sans ambiguïté: «Nous refusons qu’un Etat qui foule aux pieds depuis plus de 60 ans la légalité internationale et qui, par sa pratique continue du terrorisme tout au long de son histoire, s’est mis lui-même au ban des nations, continue à faire régner impunément la terreur.» Les signataires étaient les suivants: Collectif Urgence Palestine Vaud, Collectif non à la Guerre Vaud, Groupe Suisse sans Armée Vaud, Gauche anticapitaliste, Mouvement pour le Socialisme, POP et Gauche en Mouvement, Solidarités.

Ces groupes, collectifs et mouvements sont-ils conscients de ce que ce texte signifie, et sont-ils prêts à soutenir les actions concrètes qu’il implique? Soixante ans, cela nous ramène à la création de l’Etat moderne d’Israël. Cela signifie que c’est l’Etat d’Israël comme tel qui est illégitime, non son régime, non son gouvernement actuel, non le commandement militaire, mais son existence même. L’Etat d’Israël est de soi et dès l’origine un acte de terrorisme. Voilà un jugement qui appelle tout de même des conclusions politiques et militaires assez radicales quant à la présence des Hébreux au Moyen-Orient!

Un de nos correspondants compare cette manifestation à celles des étudiants français de mai 1968. C’est rester à la surface des choses. Il n’y a guère de ressemblance entre les revendications égoïstes des enfants gâtés d’après la guerre et la passion sombre et profonde qui animait les manifestants palestiniens. Il ne s’agissait pas pour eux de «jouir sans entraves» ou de chercher la plage sous les pavés, mais de pleurer des morts et de crier leur ressentiment à l’égard d’Israël. Il s’agissait d’affirmer une solidarité politique et morale, mais aussi religieuse, avec les Palestiniens et le reste du monde arabe. On a vu des poings levés, on a entendu crier Allahou akbar, «Allah est le plus grand»…

La présence sur sol vaudois de trente mille musulmans a nécessairement des conséquences politiques. Cette manifestation en est une, périphérique. Il y en aura d’autres. S’indigner ne sert à rien. C’est sur le plan politique qu’il convient de réfléchir et de réagir.

Nos autorités doivent veiller à ce que la Suisse n’importe pas de conflits extérieurs. Nous avions déjà émis cette crainte à l’époque à propos des affrontements entre les ressortissants de l’ancienne Yougoslavie. Notre Canton ne doit en aucun cas servir de théâtre aux affrontements d’Israël et du Hamas. Les choses seraient plus claires et plus faciles si le Conseil fédéral observait mieux les exigences de la neutralité et évitait de prendre des positions en faveur de l’un ou l’autre belligérant.

Il faut aussi que les Etats avec lesquels nous entretenons des relations diplomatiques ne soient pas impunément insultés dans nos rues. Naguère encore, les étrangers, toutes catégories confondues, n’avaient pas le droit d’exercer une activité politique sur sol suisse. Les «gouvernements en exil», «opposants historiques» et autres généraux Alcazar ou Tapioca n’avaient pas le droit de s’exprimer publiquement. Cela était de bonne politique de neutralité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les réfugiés politiques ont amené dans leurs bagages les droits «imprescriptibles» d’expression et de manifestation. Le Conseil fédéral n’y a pas résisté. On peut le regretter, même si une telle interdiction peut-être tournée assez facilement: il suffit qu’un ou deux Suisses prennent la responsabilité de la manifestation.

Durant la guerre, quand les autorités allemandes se plaignaient de la partialité de la presse suisse, la réponse officielle était simple: «La Confédération est neutre, mais les Suisses ne le sont pas!» Mutatis mutandis, la distinction reste plus ou moins utilisable dans le cas qui nous occupe. Elle cesse de l’être quand la complaisance officielle est patente, quand les manifestations se répètent inlassablement, quand des politiciens en place y participent et prennent la parole. La neutralité suisse n’existe que si les autres Etats sont convaincus qu’elle existe.

La question de nos relations avec les musulmans, en particulier ceux qui vivent chez nous, est assez importante pour que nous y consacrions notre séminaire de début d’année. Il aura lieu les trois premiers mercredis de mars. Nous avons décidé ce report inhabituel pour prendre suffisamment de champ et de hauteur.

Car cette question se détaille presque à l’infini. Pour commencer, comment l’islam conçoit-il les relations entre la religion et les institutions politiques? La distinction entre le temporel et le spirituel qui nous est familière est-elle compatible avec cette conception?

L’islam est une religion universaliste, et par conséquent missionnaire. Quelles sont les voies et moyens de ce missionnariat? Comment les Etats musulmans traitent-ils les minorités chrétiennes? Que demandent les minorités musulmanes aux Etats chrétiens ou laïques? Que nous dit l’histoire à ce sujet? Quels furent les flux et les reflux du monde musulman? Ce monde est-il aujourd’hui, comme le monde chrétien, corrodé de l’intérieur par la modernité et la mondialisation?

Existe-t-il réellement un «islam modéré», comme l’affirment la plupart des autorités politiques et religieuses de chez nous? Ou n’est-ce qu’un islam libéral, c’est-à-dire émasculé par sa réduction à l’individu? Au vrai, que signifie «modéré» à propos d’une religion?

Qui sont les musulmans qui habitent en Suisse et dans le Canton de Vaud? Quelle est leur pratique religieuse? Quelle est leur origine nationale? Qui et de quelle tendance sont leurs représentants? La situation est-elle comparable dans tous les cantons?

Quelle est la position des laïcistes – qui veulent confiner la religion à la sphère privée – à l’égard de l’islam? Et de l’islam par rapport à la laïcité? Le communautarisme est-il une solution, qui refuse le principe de l’assimilation et se contente de juxtaposer sur le même territoire politique des communautés qui conserveraient chacune ses moeurs, voire son droit?

Dans quelle mesure les pratiques musulmanes publiques menacent-elles nos moeurs qui restent fortement marquées par le christianisme? L’initiative contre les minarets est-elle de nature à résoudre tout ou partie de ces questions? Pour les Suisses et les Vaudois, les avantages politiques seront-ils plus grands en cas d’acceptation ou en cas de refus?

Les Eglises d’ici devront, elles aussi, prendre position. Sont-elles conscientes que rien ici-bas n’est jamais acquis et que nous sommes aujourd’hui un terrain de mission pour une religion dynamique et conquérante? Vont-elles se contenter d’en appeler à la tolérance, à la liberté religieuse et aux droits de l’homme?

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • La vérité sort de la bouche… des anciens conseillers d’Etat – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Un vote punitif – Olivier Delacrétaz
  • Nouvel An dans nos campagnes: le tambour et le verre de blanc – Félicien Monnier
  • Actualité de la monarchie – Nicolas de Araujo
  • Nom de famille contre égalité – Antoine Rochat
  • Les mots pour le dire – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Fédéralisme revivifié? – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Une démarche à soutenir – Revue de presse, Ernest Jomini
  • 2009, le retour de Calvin – Olivier Klunge
  • Merci, Monsieur Garçon! – Jean-Jacques Rapin
  • Silence complet sur Obama – Le Coin du Ronchon