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Immigration, un mutisme qualifié

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2042 15 avril 2016

M. Philippe Barraud dénonce l’absence de débat de fond sur l’islam et l’immigration musulmane1. De fait, on ne parle jamais, par exemple, des limites objectives de notre capacité d’accueil. On reconnaît certes que «nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde». Mais la formule est toute rhétorique, puisqu’on ne nous donne pas les critères quantitatifs et qualitatifs qui permettraient de juger que nos limites sont atteintes.

«Nous sommes assez riches pour que cette question ne se pose pas», entend- on dire. Outre que cela se discute, c’est nier les problèmes psychologiques, moraux, culturels et religieux que suscite ce flux indéfini. Nous ne parlons pas ici des clandestins, des délinquants et des terroristes «radicalisés», voire «hyper- radicalisés» (ça doit être quelque chose!). Nous parlons de la masse des musulmans ordinaires, «modérés»2, comme on dit. Dès que leur population est assez nombreuse, suivant une tendance naturelle à toute minorité, ils se constituent en communauté distincte, refusant l’assimilation et perpétuant leur manière de vivre, en privé d’abord, puis en l’étendant progressivement à la sphère publique.

Leurs usages ne sont pas seulement différents des nôtres, ils sont d’une autre nature. Pour les deux adolescents syriens de Therwil, ne pas toucher une femme autre que la sienne est plus qu’un simple comportement social. C’est une exigence impérieuse directement inspirée du prophète Mahomet3. De proche en proche, il risque d’en aller de même des autres usages, scolaires et culinaires, familiaux et sociaux, juridiques, politiques et religieux4. Et les musulmans y sont d’autant plus incités que notre foi et nos usages à nous sont en recul et s’effilochent sous les assauts de la modernité.

Les autorités politiques et religieuses négligent le sentiment d’angoisse impuissante que cette insidieuse et inexorable progression suscite dans la population.

Les premières n’abordent l’immigration que sous l’angle administratif: comment mieux organiser l’accueil, traiter les dossiers, assurer les renvois? Comment trouver plus de traducteurs? Comment héberger les requérants en attendant la décision définitive? Faut-il construire des abris? Réquisitionner des bâtiments publics? Exproprier les particuliers? Comment accélérer les procédures? Qui paie? Qui commande? Même le recours à l’armée évoqué par le conseiller fédéral Parmelin ne servira qu’à fournir des supplétifs aux garde-frontières. Dépourvus de perspectives politiques à moyen et long terme, nos élus se contentent de gérer l’immédiat.

Quant aux autorités religieuses, à l’instar du pape François, elles posent en a priori que toute restriction à l’afflux des étrangers est inacceptable d’un point de vue chrétien. Elles envisagent d’un cœur léger – quand elles n’y voient pas une juste pénitence – les dégâts moraux et matériels qu’est déjà en train d’occasionner cet intarissable flux migratoire.

Négligeant leur vocation première, elles refusent systématiquement d’affronter les théologiens musulmans sur les questions de foi proprement dites. Par gain d’une paix frelatée mais confortable, elles s’abstiennent de rappeler que l’islam est irréductiblement contraire au christianisme sur des points essentiels. Elles s’abstiennent plus encore de tout effort missionnaire visant à convertir les musulmans. Se satisfaisant d’un vague consensus – qui n’engage qu’elles – sur d’imprécises «valeurs» morales, elles plient jusqu’à rompre, et se retournent contre les fidèles qui ne veulent pas plier.

Les autorités ne sont pas seules en cause. Le refus de voir, de nommer et de conclure est général. Sous prétexte de ne pas faire d’amalgame, par exemple, on passe comme chat sur braise sur le fait que des doctrines authentiquement musulmanes, comme le wahhabisme saoudien ou le salafisme, incitent à revendiquer en tout temps et en tout lieu l’application stricte de la charia.

On condamne bien sûr le terrorisme, mais comme s’il prenait sa source dans la pauvreté, les mauvaises fréquentations, l’exclusion sociale, la prison, le manque de perspectives d’avenir, bref, dans tout ce qu’on voudra, sauf l’islam.

On ne tire aucun enseignement d’événements tout de même significatifs, comme ceux de Cologne, d’Ajaccio ou de Calais.

On se scandalise bruyamment des positions carrées de l’UDC et des excès occasionnels des sites de «réinformation». Cela permet de passer sous silence ce qu’ils contiennent de vrai et de fondé, et que la grande presse ignore ou traite par trop légèrement.

On passe sous silence le fait qu’un pays islamique aussi riche et pratiquant que l’Arabie saoudite n’accueille pas le moindre demandeur d’asile musulman.

Les associations féministes elles-mêmes, ordinairement si pointues et pugnaces, se tiennent coites face à des conceptions et des pratiques sociales qui devraient leur être insupportables. Le prétexte invoqué est qu’elles ne veulent pas se faire «instrumentaliser» par les opposants à l’immigration!

Pourquoi cette crainte généralisée de parler net? Pourquoi ce refus d’examiner les faits? Pourquoi ces discours d’évitement?

Nous y voyons un dommage collatéral à retardement des guerres du XXe siècle et de leur inhumanité sans précédent. Le mépris des lois de la guerre et du droit des gens, l’extension des combats aux populations civiles, les déportations massives, les pogroms et les persécutions des Juifs, le terrorisme d’Etat, l’ampleur des dégâts et des souffrances y furent tels qu’ils brisèrent moralement l’ensemble des protagonistes européens.

Le sentiment de culpabilité collective qui en est résulté, et qu’on entretient inlassablement par des livres, des films, des pièces de théâtre et des publications historiques, mais aussi par toute la logomachie du politiquement correct, nous a peu à peu aliénés à nous-mêmes.

Ce qui nous restait de vitalité, nous l’avons retourné contre nous, au point que l’idée même de frontières nous répugne, au point qu’un simple sentiment national est déjà ressenti comme lourd de tous les forfaits. Le nous est devenu haïssable. Nous ne nous supportons plus, nous sommes devenus auto-immunes.

«Plus jamais ça!», voilà la finalité obsessionnelle qui étalonne désormais notre morale, notre culture et notre pratique politique. «Ça», c’est le refoulement aux frontières des familles désespérées, c’est «la barque pleine», le J maléfique sur les passeports, peut-être même le simple fait de vivre en paix quand les autres sont en guerre. Et pour éviter «ça», certains d'entre nous, notamment dans le monde officiel, sont prêts à faire, taire ou subir n’importe quoi. D’où le mutisme constaté par M. Barraud.

Notes:

1 www.commentaires.com 2 On méconnaît ce que cette qualification, en matière de foi, a de dépréciatif, tant pour les musulmans que pour les chrétiens.

3 Voir leur interview: «Rencontre avec les deux élèves qui fuient tout contact avec une femme», Le Matin-dimanche du 10 avril dernier.

4 www.humanrights.ch: Certains États, tels que l’Allemagne, la France et l’Espagne, considèrent que pour toutes les questions familiales, c’est la citoyenneté des personnes concernées qui détermine le droit à appliquer. De cette façon, c’est le droit libanais qui s’appliquera en Allemagne pour régler le divorce d’un couple libanais, tant que «l’ordre public» est respecté.

Cette situation explique que le droit familial islamique se retrouve dans des arrêts prononcés par des tribunaux européens, le maintien de l’ordre public étant toujours la limite à cette application du droit étranger. Par ailleurs, ces règles étrangères ne sont pas appliquées si elles vont à l’encontre de principes fondamentaux de notre ordre de valeur (par exemple l’interdiction de la polygamie ou le mariage d’enfants).

 

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