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Actualités  |  Mardi 7 octobre 2014

L'appel à la cohésion nationale

Le président Hollande a appelé l'ensemble des Français à s'unir derrière sa politique étrangère. M. Manuel Valls a invoqué l'union nationale autour des «valeurs de la République». M. Juppé se proclame l'homme du rassemblement. Nul doute que les autres candidats feront de même en temps utile.

En général, l'appel à la cohésion nationale annonce à la population que le gouvernement va lui demander des sacrifices de temps et d'argent, peut-être de sang.

Ces appels ont toujours une forte teinte émotionnelle, mais la cohésion nationale ne relève pas d'abord de l'émotion. Pour que les citoyens acceptent de mettre de côté leurs intérêts et soucis personnels au nom du salut public, il faut déjà qu'ils se sentent une sérieuse solidarité dans la vie ordinaire. Le sacrifice demandé n'en est alors qu'un prolongement héroïque, supportable pendant le temps que durera la crise.

Cette solidarité quotidienne est constituée de centaines de millions de liens concrets et durables qui s'entretiennent obstinément au jour le jour. Ce sont les familles qui continuent à vivre ensemble malgré les difficultés. Ce sont les services communaux et l'entraide de voisinage. Ce sont les employeurs et les employés qui s'unissent par-delà leurs oppositions pour éviter de saborder l'entreprise dont ils tirent leur nourriture. C'est le gouvernement qui garantit la stabilité des lois, le respect du droit, la sécurité policière dans les rues les plus sombres des grandes villes. C'est encore la solidité de la monnaie qui justifie l'épargne et autorise les projets à long terme. C'est enfin la confiance générale accordée au pouvoir, tout particulièrement à la personne qui l'incarne et à l'administration qui en est le bras.

On n'en est pas vraiment là. Le monde politique français est non seulement divisé plus violemment que partout ailleurs, mais il vit de cette division, il l'entretient à travers les empoignades sans pitié des partis, lesquels sont eux-mêmes divisés en courants et en factions qui se haïssent et se trahissent.

En France, la lutte des classes continue de faire partie des idées reçues, tant par la droite que par la gauche. La tentative honorable du président Hollande de rapprocher les syndicats ouvriers et les représentants patronaux a été rejetée par ses troupes comme une trahison et par ses ennemis comme une incongruité. La loi sur le «mariage pour tous» a réactivé durablement la division entre les catholiques et les laïcistes. L'affaiblissement de la répression pénale malgré l'activisme d'un législatif qui mouline à tout-va, sans parler de trop de promesses encore moins tenues que d'habitude ont plutôt accru l'éloignement de la population à l'égard de son gouvernement.

Dans cette situation, l'appel à la cohésion nationale n'est qu'un «élément de langage» destiné à donner au candidat l'air d'être au-dessus de la mêlée alors qu'il est est plein dedans.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 7 octobre 2014)