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Bureau des affaires religieuses: renforcer les cantons, pas l’administration fédérale

Félicien Monnier
La Nation n° 2064 17 février 2017

Un bureau fédéral des affaires religieuses serait en cours d’élaboration dans les couloirs de l’administration.

Le Département fédéral de justice et police chapeaute les premières discussions. Ce bureau aurait pour fonction d’être un point de coordination entre Confédération, cantons, communes et communautés religieuses. L’affaire bâloise du refus de poignée de main avait vu Mme Simonetta Sommaruga affirmer à la télévision alémanique que la poignée de main faisait partie de notre culture. Pour la NZZ du 5 février1, ce positionnement télévisuel fédéral montre combien la Confédération se trouve et se sent actuellement concernée par les questions religieuses.

Dans 24 heures du 8 février2, M. Raphael Frei, porte-parole du DFJP avance que l’initiative anti-minarets a également soulevé des problèmes de coordination au niveau fédéral. C’était précisément l’une des raisons de notre opposition à l’initiative. Toute nouvelle institution fédérale déclenche des engrenages administratifs constituant autant de nouvelles centralisations.

La NZZ relève l’apparition de plus en plus fréquente de la religion dans l’agenda politique, en se concentrant avant tout sur l’islam. Cela ne justifie pas à nos yeux la création d’un bureau fédéral des affaires religieuses – comme il y a un bureau des affaires indiennes aux Etats-Unis.

Les porte-paroles du DFJP développent une approche très bureaucratique et abstraite des «questions religieuses». Ils veulent pouvoir «veiller à une attitude cohérente du gouvernement fédéral». La vérité est que la Confédération n’a presque aucune compétence en matière religieuse. Certes, l’interdiction des minarets relève du droit fédéral, tout comme la liberté religieuse est garantie par la Constitution. Mais cela s’arrête là. De nombreux champs politiques pourront contenir un aspect religieux: sécurité, intégration des étrangers, attitude des administrations, politique scolaire. Mais, tout comme la politique religieuse et les relations avec les communautés religieuses relèvent des cantons, ces différents domaines sont également avant tout de souveraineté cantonale. Que le groupe de travail prétende ne pas vouloir supprimer la compétence cantonale en la matière est la preuve qu’il y a pensé. La seule existence d’un tel bureau limiterait déjà la marge de manœuvre des cantons.

La plus lourde de ces «questions religieuses» est bien entendu celle des relations avec l’islam ou les communautés qui s’en revendiquent et les problèmes de radicalisation qui peuvent y être liés. Il s’agit donc avant tout de problèmes de politique d’intégration, si possible d’assimilation. Le DFJP soulève que la lutte contre le racisme devra aussi être à l’ordre du jour de ce futur bureau des affaires religieuses. Cela est symptomatique. Le racisme est souvent la réaction brutale de certains membres de la communauté assimilatrice lorsqu’ils sentent cette communauté affaiblie dans ses capacités d’assimilation.

Or, le lieu dans lequel se déroule ce processus d’intégration est avant tout la communauté cantonale, communauté politique naturelle. C’est au niveau cantonal que se construiront les attaches politiques et culturelles du fidèle, surtout lorsque sa religion est en tout ou partie exogène. Cette intégration se construira dans le tissu associatif local, au contact des autorités communales, ou sur les bancs de l’école de quartier, durant les cours d’histoire vaudoise notamment. C’est par la proximité des institutions que le communautarisme sera prévenu, pas dans les plans d’aménagements fédéraux.

Nous ne doutons pas un instant de la bonne volonté des bureaucrates bernois prétendant assurer la paix religieuse. Celle-ci ne se joue toutefois pas en premier lieu entre fonctionnaires et dignitaires religieux bien disposés, participant aux raouts fédéraux. Elle se joue dans les salles de classe lorsqu’un jeune albanais traite son voisin de mécréant. Elle se joue dans les services sociaux constatant que l’adolescent solitaire d’une famille dissoute perd de plus en plus son temps sur des sites internet radicaux. Elle se joue dans le regard de la policière fouillant une femme voilée.

Seuls les cantons maîtrisent et disposent de la finesse nécessaire pour traiter ces situations. Toute nouvelle centralisation les affaiblirait et augmenterait les tensions religieuses.

Notes:

1 Daniel Gerny, «Bund macht sich für Religionsfragen fit», Neue Zürcher Zeitung du 05.02.2017.

2 Pablo Gianinazzi, «Un groupe de travail planche sur un projet de bureau des affaires religieuses. La tension liée à ces thèmes monte», 24 heures du 08.02.2017.

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