Aux saules verds nos harpes nous pendismes
Né à Genève en 1966, François Mützenberg est certainement le plus grand musicien vaudois du XVIe siècle. A la tête de l’ensemble Le droict chemin de la musique, il tient à la perfection et simultanément la partition d’une petite flûte à bec de la main gauche, et celle du tambour de la main droite. Mais quelle partition? Une version instrumentale du psaume 76 «Dieu s’est fait connaître en Judée, Son nom est grand en Israël», due à Mützenberg lui-même, où il est accompagné par la viole de gambe incomparable de Lisette Aubert, une seconde flûte à bec de Dominique Tinguely (qui joue aussi pour notre plaisir de la dulciane) et la percussion bien marquée ou le luth de Bor Zuljan. Mais savez-vous ce que c’est qu’une dulciane? Vous ne la trouverez pas dans votre dictionnaire. Il s’agit de l’ancêtre du basson; il en a l’apparence, mais il produit un son plus velouté et puissant tout de même, quand on maîtrise la technique particulière de ce bel instrument. Abandonnant ses nombreuses flûtes et sa percussion, Mützenberg s’empare d’une musette – quel autre virtuose chez nous serait capable d’en jouer? – avec laquelle il commente le psaume 116 «J’aime mon Dieu» sur une mélodie de Goudimel, accompagné par la guitare de Zuljan.
Les Goûts Réunis, fidèles à une tradition de haut goût, ont présenté le 21 avril dernier, à l’église de Villamont, l’ensemble précité à l’enseigne de la Musique du temps de la Réforme. Si Calvin l’iconoclaste a banni l’orgue de ses églises, il n’en reste pas moins que les réformateurs ont encouragé le chant des psaumes, reconnaissant le pouvoir de la musique «d’enflamber les cœurs», ce qui explique que le psautier genevois a été imprimé à plus de 50’000 exemplaires pour la seule année 1562. Mais c’est dans le psautier de Lausanne, datant de 1565, que Le droict chemin de la musique a puisé ses plus belles mélodies. par exemple le psaume 137 «Aux saules verds nos harpes nous pendismes». La voix vive et spirituelle de Natacha Ducret, entourée de divers instrumentistes, a tellement bien conquis son public qu’il a réclamé un bis du bis.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Ni si creuse, ni si pleine – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Les Petites Ecoles de Crêt-Bérard – Alain Monnard
- Histoire suisse et romande à Crêt-Bérard – Rédaction
- Poésie vaudoise à travers les âges: Othon et Shemsi – La page littéraire, Jean-Blaise Rochat
- Pour l’amour du grec – Yves Gerhard
- De la nation suisse – Yves Gerhard
- On a toujours raison d’être fédéraliste – Félicien Monnier
- La rose n’a pas de cœur – Jacques Perrin
- Occident express 5 – David Laufer
- Des racines et du zèle – Le Coin du Ronchon