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Juste Olivier: la Fête des Vignerons de 1837

Rédaction
La Nation n° 2132 27 septembre 2019

«L’Abbaye-des-Vignerons est le résumé de tous ces divertissements rustiques, et notre grande fête nationale. Probablement plus ancienne que les moines de Haut-Crêt, dont elle porte encore la devise sur sa bannière (ora et labora), puis retravaillée par l’esprit moderne, son cachet principal est pourtant celui du Moyen-âge. On y sent ce même génie, à la fois populaire et possédé du besoin de l’infini, qui voulait donner à tout une réalisation visible, et faire mouvoir dans chacune de ses œuvres le monde entier. Elle ressemble en effet à un de ces drames que l’on appelle Mystères; mais c’est un mystère dont le sujet est l’existence de tout un peuple, et c’est ce peuple lui-même qui le joue. [...] C’est, dirai-je encore, une rose de cathédrale en action; et qui a saisi l’idée et la suite de ce monde allégorique peint sur les vitraux et sculpté sur le bois ou la pierre, ne sera pas choqué de la comparaison. Quand l’immense procession déploie son orbe éclatante et diaprée au milieu des murs serrés de la foule, vous croiriez voir une rose aux proportions mille fois gigantesques, aux feuilles humaines et frémissantes, qui roulent dans leur calice bourdonnant, comme les autres dans le silence de la pierre, et les saisons et les mois et les jours, et les labeurs et les joies des hommes, et le passé, et la terre et les cieux. [...] Le Moyen-âge avait beaucoup de fêtes de ce genre, mais le sujet de la nôtre nous appartient. S’il devait se trouver quelque part une véritable fête populaire de l’agriculture, c’était chez nous: aussi, n’en existe-t-il pas ailleurs qui ait ce caractère complet et patriotique. Dans son genre et considérée comme fait de notre histoire, elle vaut une bataille gagnée ou tel autre événement glorieux: c’est notre renom, notre création propre, notre chef-d’œuvre national. [...] Que les dépositaires de ce joyau nous le gardent bien! Une fête qui reproduise ainsi tout un aspect de la vie, et qui réponde à tout un peuple; qui soit capable, suivant la vertu des arts, de l’élever et de l’unir, ne se commande pas: c’est une trouvaille que l’on ne fait que très à la longue, et que l’on ne pourrait guère espérer de faire deux fois.»

   Tiré de: Juste Olivier, Le Canton de Vaud, Sa vie et son histoire, Lausanne, 1837, rééd. par les Cahiers de la Renaissance vaudoise, 1978, tome I, pp. 366-369 (édition toujours disponible).

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