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Bonnes bouilles et mauvaises gribouilles

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2229 16 juin 2023

Un article de la présente édition nous rappelle qu’à défaut d’un bon libéral et d’un mauvais libéral, il existe à tout le moins une différence entre le mauvais chasseur (il a un fusil, il voit un truc bouger, alors il tire) et le bon chasseur (il a un fusil, il voit un truc bouger, il tire; mais c’est un bon chasseur).

L’actualité récente révèle une autre différence, celle qui distingue le mauvais dirigeant du bon dirigeant.

Le mauvais dirigeant: il dirige la Turquie, on voit sa tête sur des affiches électorales, et quand un petit malin s’amuse à lui dessiner une moustache «à la Hitler» sur une de ces affiches, la police arrête le jeune contestataire, l’inculpe pour «insulte au président», puis le jette en prison. Les journalistes occidentaux rapportent cette information avec des spasmes d’indignation – comment peut-on être aussi sévère pour une pareille broutille? – parce que le dirigeant gribouillé est un mauvais dirigeant.

Le bon dirigeant: il dirige la France, on voit sa tête sur des affiches électorales, et quand des petits malins s’amusent à lui dessiner une moustache «à la Hitler» sur quelques-unes de ces affiches, la police recherche activement les jeunes contestataires afin de les inculper pour «injure publique envers le président» et «provocation à la rébellion», ce qui permettra de les jeter en prison. Les médias occidentaux rapportent cette information sur un ton neutre et indifférent – n’est-il pas normal de punir des individus qui ne respectent ni la loi ni les institutions? – parce que le dirigeant gribouillé est un bon dirigeant.

Les exemples que nous venons de citer concernent les dirigeants politiques, mais cela vaut aussi pour les dirigeants économiques, autrement dit les patrons.

Les mauvais patrons: ils dirigent des agences immobilières privées. Ils sont de droite, donc avares et égoïstes. Ils subissent les effets de l’inflation et veulent répercuter les hausses de prix sur leurs clients, en augmentant les loyers. La presse publie des articles alarmistes où l’on comprend que de pauvres gens confrontés à des loyers déjà trop élevés ne vont peut-être plus s’en sortir à cause de l’avidité démesurée de ces mauvais patrons.

Le bon patron: il dirige la Poste, entreprise publique. Il est de gauche, donc ouvert et généreux. Il subit les effets de l’inflation et demande à pouvoir répercuter les hausses de prix sur ses clients. Dans la presse, il n’hésite pas à affirmer: «J’espère que nous pourrons augmenter nos tarifs, […] nous devons sortir des prix fixés politiquement.» Bon, sur ce coup-là, le journaliste qui l’interviewait n’a pas pu s’empêcher une pointe de sarcasme («Des prix que vous contribuiez à fixer lorsque vous étiez sénateur socialiste… Vous n’êtes plus le même Christian Levrat…»). Mais les usagers accepteront sûrement de bon cœur de payer plus cher, parce que c’est un bon patron.

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