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Nos syndics

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2275 21 mars 2025

Dès son premier article, l’avant-projet de loi sur les communes écarte le syndic du nombre des autorités communales, ne le faisant plus figurer comme tel aux côtés du conseil et de la municipalité.

Cela exprime la volonté explicite du Conseil d’Etat de voir en lui plus un membre de la municipalité qu’une autorité. S’ensuit une réduction drastique de ses responsabilités.

D’abord frappe le verbiage managérial de l’avant-projet pour définir les attributions du syndic: remplies de «cohérence de l’action», de «coordination», de «supervision». Dans son rapport explicatif, le Conseil d’Etat se vante que cette formule s’inspire de celle qui définit les pouvoirs de la présidence du gouvernement cantonal. Cette présidence est, il est vrai, une excellente chose que nous appelions de longue date. Cela ne signifie pas encore que sa définition légale actuelle soit heureuse. Il y a une incohérence profonde à vouloir encadrer l’exercice de l’autorité, nécessairement personnelle, dans des formules technocratiques.

Alors que dans la loi actuelle «le syndic préside la municipalité», l’avant-projet ne lui fait plus qu’en présider les séances et en établir l’ordre du jour. La différence est de taille. La loi actuelle accorde au syndic de l’autorité sur «sa» municipalité, vue comme un groupe de personnes. L’avant-projet fait de la municipalité une abstraction fonctionnelle dont il faut simplement que quelqu’un «préside les séances». De chef, le syndic devient coordinateur. Cette diminution personnelle s’étend au prestige de la municipalité et à la densité politique de la commune, qui se trouve soudain dotée d’une tête amoindrie.

Cet amoindrissement n’est pas que symbolique: l’avant-projet supprime ses compétences de police. Ce pouvoir ne doit pas être surestimé: le syndic n’est pas un sheriff à étoile et revolver. Mais des mesures d’urgences peuvent s’imposer: fermer une route à la suite d’un éboulement, faire baisser le niveau de musique d’un bal de jeunesse, interdire l’accès aux forêts communales après une tempête hivernale. Ces ordres simples, parfois donnés oralement, s’inscrivent naturellement dans la vie quotidienne de la commune.

Ces révisions occulteraient une spécificité vaudoise. Contrairement à Genève, Neuchâtel ou Fribourg, nos syndics sont élus directement par leurs concitoyens, dans la foulée de l’élection à la municipalité. La loi sur les droits politiques récemment révisée ménage toujours une place à une élection tacite lorsqu’un seul candidat se présente. Fréquentes dans les petits villages, de telles élections sanctionnent généralement une reconnaissance morale et coutumière de l’autorité d’une seule personne, qu’aucun n’entend contester. Elles permettent à une communauté de désigner son chef tout en préservant son unité. Cette prééminence institutionnelle doit se retranscrire dans les faits.

Souvent elle prolongera une prééminence sociale. L’engagement politique d’un syndic s’inscrit assez naturellement à la suite d’un fort engagement social et économique. Dans nos bourgs – Payerne, Aigle ou Morges, par exemple, dont d’anciens syndics siègent au Château – il peut déjà s’appuyer sur un terreau de petites entreprise et d’acteurs culturels. L’activité et le réseau d’un syndic structurent sa région, parfois le canton tout entier, pour une à deux décennies. Au niveau local, ils unissent le pays réel au pays légal.

La responsabilité des partis

Le gouvernement justifie ces réformes par la crainte «des ruptures de collégialité». On reconnaît bien ici une obsession toute radicale pour l’absence de vagues. Naturellement, il n’est jamais heureux qu’un collège se déchire, et que des démissions en découlent. Conseil d’Etat et Conseil fédéral n’étant eux-mêmes pas exemplaires en la matière.

Mais les tensions sont inhérentes à la politique. Au lieu d’incriminer l’autoritarisme en puissance des syndics vaudois, une explication ne résiderait-elle pas plutôt, à la suite d’une réforme de 2011, du côté de l’irruption des partis et de leurs agendas dans les communes de plus de 3’000 habitants?

Cette révision de la loi sur les communes doit être l’occasion de préserver les petites et moyennes communes des stratégies partisanes. La Ligue vaudoise demande une réforme simultanée de la loi sur les droits politiques.

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