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Les loteries aux cantons!

Julien Le Fort
La Nation n° 1839 20 juin 2008
Dans notre précédent article sur les loteries (La Nation du 23 mai 2008), nous nous étions contenté de dresser un aperçu des relations (houleuses) entre la Confédération et les cantons dans le domaine des loteries. Il convient à présent de revenir sur le contenu de l’initiative populaire fédérale lancée le 22 avril dernier. Avant cela, une brève présentation de la répartition actuelle des compétences entre Confédération et cantons dans le cadre des loteries et jeux de hasard s’impose.

Actuellement, les loteries et jeux de hasard sont visés par l’art. 106 de la Constitution fédérale. Cet article attribue la pleine compétence législative à la Confédération en matière de jeux de hasard comme en matière de loteries. Toutefois, par le biais d’une loi fédérale, les cantons bénéficient d’une large rétrocession de compétence en matière de loteries. La compétence cantonale sur les loteries est donc, en quelque sorte, prêtée à bien plaire aux cantons par la toute puissante Confédération. C’est de cette compétence «prêtée» que bénéficie la Loterie romande, qui est une institution des cantons.

En matière de jeux de hasard, c’est plus simple: la Confédération exerce pleinement sa compétence, ces jeux ne peuvent être exploités que dans un casino titulaire d’une concession fédérale ad hoc et les bénéfices de ces jeux, largement taxés, servent à financer nos assurances sociales. Il s’agit là – nos lecteurs en conviendront – d’un régime particulièrement étatiste.

L’initiative populaire fédérale, en cours de récolte de signatures, a le mérite de la clarté dans la structure: elle propose de reformuler l’art. 106 Cst féd. en règles générales sur les jeux d’argent, puis de créer un art. 106a sur les jeux de hasard et un art. 106b sur les loteries. Ce faisant, l’initiative reprend la distinction qui existe de lege lata entre jeux de hasard et loteries. Rappelons cette distinction: dans les jeux de hasard, le joueur parie sur un événement futur et donc inconnu (par exemple sur quel numéro s’arrêtera la bille de la roulette); par contre, dans une loterie, les éléments objectifs du jeu précèdent le choix du joueur et le joueur se contente de choisir parmi des éléments existants (par exemple des billets de loterie).

En son art. 106, l’initiative prévoit que tous les jeux d’argent doivent être au service de l’utilité publique. Elle prévoit également que Confédération et cantons veillent à prévenir la dépendance au jeu. Rien d’extraordinaire.

L’art. 106a, qui vise les jeux de hasard respecte la situation actuelle. Le régime «particulièrement étatiste» décrit plus haut est maintenu. L’initiative prévoit explicitement que les revenus de la Confédération liés aux jeux de hasard doivent être affectés à l’AVS et à l’AI.

L’initiative pour des jeux d’argent au service du bien commun nous réserve le meilleur pour la fin. En effet, son art. 106b prévoit que «la Confédération fixe les principes applicables aux loteries et aux paris professionnels. Pour le reste, ces jeux sont du ressort des cantons.» C’est dire que cette initiative propose de passer d’un régime de pleine compétence fédérale à un régime de compétence fédérale limitée aux principes. L’initiative constitue donc une véritable chance pour les cantons de recouvrer une part de souveraineté dans le domaine des loteries. La chance est trop belle pour qu’on la galvaude.

Concluons. Nous ne sommes pas de grands adeptes des jeux d’argent, nous l’avons déjà dit. Toutefois, quel que soit le jugement que l’on porte sur les jeux d’argent, ces jeux existent. Notre perspective réaliste nous oblige alors à nous soucier de régler au mieux la question de ces jeux.

L’initiative populaire en cours de récolte de signatures – qui, de fait, consacre et renforce le régime actuel au bénéfice de la Loterie romande – fait preuve de réalisme. Elle maintient la situation actuelle dans ce qu’elle a de juste et redonne aux cantons les compétences qui leur reviennent en vue de gérer à l’avenir les gains générés par les loteries.

Cette initiative bénéficie d’un large soutien populaire et semble avoir de réelles chances de récolter 100’000 signatures, puis même de passer le cap des urnes. La perspective fédéraliste qu’offre l’initiative vaut bien une griffe sur une liste de signatures. Nous engageons nos lecteurs à soutenir cette initiative pour des jeux d’argent au service du bien commun (www.biencommun.ch).

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Toujours plus – Editorial, Olivier Delacrétaz
  • Un journaliste clairvoyant – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Parlons Eurofoot! – Revue de presse, Ernest Jomini
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  • La brutalité de la faiblesse – Olivier Delacrétaz
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