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Deux tendances

Nicolas de Araujo
La Nation n° 1891 18 juin 2010
En matière de défense, aucune politique ne fait l’unanimité, ni au gouvernement, ni dans l’administration fédérale, ni au sein de l’armée. Deux camps s’affrontent. Il y a deux ans, l’armée suisse était ébranlée par l’affaire Nef, ce chef de l’armée contraint de démissionner peu après sa nomination en raison d’une affaire de moeurs. A l’époque, nous voyions là le résultat de divergences profondes au sein du gouvernement fédéral et de l’armée. Nous concluions dans ces colonnes: «En effet, si le conseiller fédéral a pris des risques en nommant M. Nef, c’est qu’il a eu peur. Il a craint que, lui parti, des gens ne défassent ses réformes. Tout le monde n’est donc pas acquis à Armée XXI ni au projet de centraliser l’armée et la police en un grand département fédéral de la sécurité. Face à l’idéologie réformatrice, une tendance existe dans le monde politique et l’armée, qui pense que celle-ci doit, demain comme hier, servir avant tout à défendre la Suisse contre une attaque militaire.»1

Qu’en est-il deux ans plus tard? Samuel Schmid, qui voulait transformer l’armée en un outil de «promotion de la paix», a été remplacé à la tête du Département fédéral de la Défense par l’UDC Ueli Maurer, qui semble attaché à une vision plus classique de l’armée, ainsi qu’à la neutralité. Des officiers anonymes interrogés par L’Hebdo l’accusent de vouloir annuler les effets de la réforme Armée XXI2. En octobre 2009, M. Maurer a présenté une première fois son rapport sur la politique de sécurité. Le Conseil fédéral a alors rejeté ce document parce qu’il prônait une armée jugée trop défensive et trop peu engagée dans les missions internationales. Fait remarquable, le Conseil fédéral a alors pris l’affaire en mains, chargeant un groupe issu de tous les départements fédéraux de retravailler le rapport dans le sens voulu.

Fin mars 2010, la nouvelle mouture présentée par Ueli Maurer fait face à un nouveau refus. Une troisième version «complétée» paraît le 14 avril. Il s’agit en fait d’un compromis entre les deux visions – défensive et internationaliste – qui ne satisfait personne. (Après une nouvelle procédure de consultation, le gouvernement doit transmettre le document définitif aux Chambres fédérales ce mois-ci.) Le Temps résume bien la situation: «Le rapport amorce, sous l’égide d’un ministre de la défense de la droite nationaliste, une mue douloureuse pour l’armée suisse. De milice populaire de défense territoriale, la voilà contrainte, faute d’ennemis, de se transformer en force supplétive des autorités civiles.»3 Le quotidien romand semble convaincu que les partisans des réformes ne peuvent pas perdre sur tous les tableaux: soit ils obtiennent une armée vouée à la promotion de la paix à l’étranger, soit ils imposent la transformation progressive de l’armée en force civile, absorbant les polices cantonales qui sont l’expression la plus visible de la souveraineté des cantons.


NOTES:

1 Nicolas de Araujo, «Ce que révèle l’affaire Nef», La Nation n° 1844, 29 août 2008.

2 Patrick Vallélian, «Armée suisse: Pourquoi Maurer menace la Suisse», L’Hebdo, 25 février 2010.

3 Yves Petignat, «Editorial: Manoeuvres dans le bac à sable», Le Temps, 16 avril 2010.

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