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Le budget militaire, nerf de la guerre

Edouard Hediger
La Nation n° 2041 1er avril 2016

Le vendredi 18 mars, le Parlement a accepté au vote final le projet de Développement de l’armée (DEVA) et a fixé le plafond quadriennal des dépenses militaires à 20 milliards, à partir de 2017, après l’élimination des dernières divergences entre les Chambres. La majorité de droite du Parlement réclamait depuis des années un budget annuel à 5 milliards de francs contre 4,4 milliards actuellement. Nous nous souvenons tous que le plan de financement de l’armée avait fait l’objet d’un rejet il y a un an, provoqué par l’UDC qui réclamait le plafond maximum, retardant ainsi la mise en œuvre du DEVA. Avec ce nouveau vote, le projet est enfin sorti de l’ornière et la réforme à venir donnera à l’armée de milice les moyens d’évoluer, de corriger ses lacunes et de s’adapter aux risques et menaces actuels et futurs. A cela s’ajoute le Programme d’armement 2015 qui a lui aussi été adopté par les Chambres fédérales.

Quelles seront les conséquences concrètes de ce vote? Elles devraient être avant tout matérielles. Les engagements souscrits dans les programmes d’armement, mais non réalisés, se sont accumulés au-delà des exercices, produisant une «vague d’étrave» qui, conjuguée avec une réduction budgétaire, a compromis d’autant les nouveaux investissements. La quantité de matériel disponible diminuant constamment alors que le nombre de jours de service est resté identique, les équipements ont été utilisés plus intensément et doivent par conséquent être remplacés plus rapidement. Si 2% des coûts d’investissement étaient utilisés pour l’entretien du matériel, ce chiffre est passé aujourd’hui à 4% en raison de la vétusté des anciens systèmes et de la complexité des nouveaux. Avec 20 milliards sur quatre ans, l’armée pourra affecter son budget comme elle l’entend, sans craindre que l’argent non dépensé une année ne lui soit pas attribué l’exercice suivant, préservant ainsi sa marge de manœuvre. L’effet des «vagues d’étrave» sera fortement réduit et les coûts d’exploitation seront moins imputés sur le budget prévu pour les programmes d’armement.

L’armée sera donc en mesure de remplacer le matériel vieillissant de plusieurs armes et de retrouver des capacités perdues ces dernières années faute de renouvellement et de moyens. Alors qu’aujourd’hui seuls trois bataillons d’infanterie sur vingt peuvent être équipés complètement, le DEVA dotera les corps de troupes de plus de matériel qu’auparavant. Avec la réintroduction d’un système de mobilisation, les formations de milice garantiront une disponibilité plus élevée et seront mieux préparés à répondre aux imprévus en mettant sur pied plus de monde équipé plus rapidement et en fournissant un appui plus flexible et adapté aux autorités civiles. L’ancrage régional de l’armée et les liens avec les cantons en seront favorisés. Rappelons que ces derniers sont les principaux bénéficiaires des prestations de l’armée, l’appui aux autorités civiles étant l’une de ses missions avec la défense et la promotion de la paix. L’objectif est ainsi de pouvoir mobiliser 35’000 hommes en dix jours et l’ensemble de l’armée en vingt jours, soit environ 100’000 hommes. C’est également une nouveauté puisque l’effectif était jusque là de 200’000 soldats, réservistes compris.

Notons toutefois que tout n’est pas encore réglé. Si le DEVA est sous toit et le plan de financement accepté, le Conseil fédéral considère qu’un plafond des dépenses de 20 milliards de francs n’est pas conciliable avec les économies demandées dans le programme de stabilisation financière et tient à limiter les dépenses à 18,8 milliards de francs. Au final, le montant définitif sera donc fixé dans le budget de la Confédération et pourra être revu dans le cadre du programme de stabilisation. De plus, le vote du Parlement pourrait être attaqué par un référendum, notamment de l’UDC qui demande 5,4 milliards par année. La Société suisse des officiers exige quant à elle que l’armée soit complètement exclue du programme de stabilisation puisque, durant deux décennies, l’armée a déjà largement contribué aux efforts en réduisant ses coûts de quelque 30% et en réalisant des économies à hauteur de plusieurs milliards de francs. Quelques incertitudes subsistent donc mais nous sommes loin du coup de théâtre de l’année dernière et la situation sécuritaire dans le monde semble favoriser une réforme rapide de l’armée. Espérons que les bonnes décisions seront prises pour une application sans délai. La mise en œuvre d’une armée de milice adaptée et crédible est nécessaire au respect du vœu des Suisses qui ont rappelé leur attachement au citoyen soldat le 22 septembre 2013 et 5 milliards ne sont pas grand-chose au regard de la valeur des infrastructures du pays et de la qualité de vie des citoyens à assurer.

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