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Référendum et traités internationaux

Antoine Rochat
La Nation n° 2147 24 avril 2020

Quels traités internationaux faut-il soumettre à quel type de référendum? Cette question récurrente du système politique helvétique est évidemment complexe et elle nécessite des réponses nuancées. Elle se pose à nouveau, en raison de la parution récente d’un message du Conseil fédéral «concernant le référendum obligatoire pour les traités internationaux ayant un caractère constitutionnel»1.

Quelques rappels

En droit suisse, on distingue le référendum obligatoire, qui nécessite en principe un vote du peuple et des cantons2, du référendum facultatif, qui ne requiert que le vote du peuple3.

Selon leur portée plus ou moins étendue, les traités internationaux sont soumis au référendum obligatoire, ou au référendum facultatif, ou ne sont pas soumis au référendum4.

En un siècle, les traités internationaux soumis au référendum du peuple et des cantons ont été rares. On peut citer l’adhésion de la Suisse à la Société des Nations (SdN) en 1920 (la Ligue vaudoise n’existait pas encore!), l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Communauté européenne admis en 1972 (avec la bénédiction de La Nation), l’adhésion à l’Organisation des Nations unies (ONU), refusée en 1986 mais acceptée en 2002, et enfin l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), refusé en 1992.

Parmi les traités internationaux soumis au seul référendum du peuple, plus fréquents, on peut citer l’association de la Suisse aux accords de Schengen et Dublin, admise en 2005 (contre l’avis de la Ligue vaudoise).

Deux articles dans ces colonnes

En 2012, M. Olivier Delacrétaz avait présenté et soutenu une initiative populaire, déposée par l’Union démocratique du centre (UDC), intitulée «accords internationaux: la parole au peuple»5, demandant une extension des traités internationaux soumis au référendum obligatoire. Cette initiative a été rejetée le 17 juin 2012 par le peuple et les cantons.

En 2018, M. Jean-François Cavin a présenté un projet de révision constitutionnelle, relative au référendum obligatoire en matière de traités internationaux6, mise en consultation par le Conseil fédéral. M. Cavin a conclu en disant que cette proposition méritait «un bon accueil».

Le message du Conseil fédéral

A la suite de la consultation précitée de 2018, l’exécutif fédéral soumet maintenant un message aux Chambres, proposant une adjonction à l’article 140 de la Constitution fédérale (Cst. féd.).

Le Parlement fédéral avait précédemment adopté une motion du conseiller national appenzellois de l’extérieur Andrea Caroni (libéral-radical, devenu conseiller aux États en 2015), demandant «un projet de modification constitutionnelle, portant introduction du référendum obligatoire pour les traités internationaux ayant un caractère constitutionnel». Le motionnaire relevait que la Constitution fédérale comportait une lacune, qu’il s’agissait de combler, pour «contribuer à la clarté et à la sécurité du droit»7.

Le projet du Conseil fédéral propose d’ajouter à l’article 140 Cst. féd. la disposition suivante:

Sont soumis au vote du peuple et des cantons :

bbis. les traités internationaux qui comportent des dispositions de rang constitutionnel ou dont la mise en œuvre exige une modification de la Constitution ; sont notamment de rang constitutionnel les dispositions relatives :

1. au catalogue des droits fondamentaux, à la nationalité et aux droits de cité ainsi qu’aux droits politiques,

2. aux rapports entre la Confédération et les cantons ainsi qu’aux compétences de la Confédération,

3. aux grandes lignes de l’organisation et de la procédure des autorités fédérales.8

Ce projet devra passer par les délibérations des deux Chambres, avant d’être soumis au vote obligatoire du peuple et des cantons.

Éléments d’appréciation

Le texte du message de 2020 diffère peu de celui soumis à consultation en 2018, présenté en détail par M. Cavin dans l’article précité. La différence principale réside dans la suppression des finances de la liste des objets de rang constitutionnel. Le Conseil fédéral justifie cet abandon en relevant que l’énumération des dispositions concernées n’est pas exhaustive («notamment»).

Le chiffre un ci-dessus impliquerait que la ratification des protocoles additionnels à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) pourrait être soumise au référendum obligatoire à l’avenir.

La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est expressément mentionnée au chiffre deux, et c’est une bonne chose. Le chiffre trois ne suscite pas de remarques particulières.

En conclusion, la disposition proposée comble une lacune constitutionnelle et précise une question politique délicate. Elle renforce un instrument de la démocratie directe. Si les Chambres fédérales s’en tiennent au texte proposé, nous le soutiendrons.

Notes

1  FF 2020 pp. 1195 à 1122.

2  Art. 140 al. 1 Cst. féd. L’alinéa 2 du même article prévoit un vote du peuple seul dans quelques cas particuliers, au demeurant fort rares.

3  Art. 141 Cst. féd.

4  Art. 141a Cst. féd.

5  Olivier Delacrétaz, «Il faut surveiller nos traités internationaux», La Nation n° 1939 du 20 avril 2012.

6  Jean-François Cavin, «Le référendum obligatoire pour les traités», La Nation n° 2105 du 14 septembre 2018.

7  FF 2020, pp. 1196-1197.

8  FF 2020, pp. 1207 et 1221.

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