Finances: le Conseil d’Etat n’est pas fiable
Lors des débats du Grand Conseil sur le budget 2025, en décembre, le Conseil d’Etat a surpris la plupart des gens en opérant une volte-face. Il a soudain accepté l’idée d’une baisse des impôts sur le revenu et la fortune de 7%, échelonnée sur la législature (dont une moitié a déjà été concédée), alors qu’il jurait ses grands dieux, jusque-là, que 5% était le grand maximum acceptable si l’on ne voulait pas mettre gravement en péril les finances cantonales. Certains disent que cette décision lui a été inspirée par les deux ex-manitous qui ont quitté le Château pour la Chambre des Cantons, certaines hausses sociales ayant été du même coup ajoutées aux dépenses. Il est vrai que cela ressemble aux deals de naguère. Quoi qu’il en soit, la virevolte gouvernementale a suscité un étonnement assez général.
Pas vraiment pour nous, cependant. Car, en matière financière, le Conseil d’Etat n’a cessé de biaiser pendant vingt ans. Les budgets étaient pessimistes, voire tout juste équilibrés et prétendument à grand peine. Les comptes n’étaient guère reluisants en apparence, alors qu’en réalité le Canton engrangeait des bénéfices astronomiques. Mais on les camouflait grâce à des amortissements supplémentaires, des versements exceptionnels à la Caisse de pensions pour la sauver de la ruine (au lieu de la réformer), des provisions fort imaginatives, la couverture anticipée de dépenses futures. Les résultats annuels étant ainsi péjorés, il n’était pas question de diminuer les impôts, pour le plus grand confort de l’Etat providence. Il y a même eu une tentative d’augmenter la pression fiscale, peu après l’an 2000, sous des prétextes fallacieux auxquels le peuple, appelé aux urnes par référendum, n’a pas cru.
Toutefois, hormis ce succès passager, il n’a pas été possible de modérer la fiscalité vaudoise, une des plus lourdes des Cantons suisses, par la voie législative. Car le Grand Conseil, dont le groupe PLR était trop largement aux ordres du Grand Financier, penchait à gauche dans sa politique rad-soc.
Après des lustres de juteux bénéfices, qu’en est-il aujourd’hui? Les prévisions pour 2024 n’étaient pas très bonnes; mais que diront les comptes? Il faudra les examiner, le moment venu, avec la plus sévère minutie, pour voir s’ils ne recèlent pas quelque nouvelle entourloupe et, au cas où le résultat n’est pas bon, si toutes les dépenses sont vraiment justifiées. Car les enjeux futurs sont de taille. L’initiative populaire «12%» (c’est le rabais fiscal exigé), lancée par les organisations économiques et très largement signée, doit être prochainement soumise au vote. C’est probablement par crainte de son succès que l’officialité a poussé son «cadeau» à 7%. La lutte sera chaude.
A ce stade, on peut toutefois déjà dégager deux constantes de l’histoire financière récente du Canton. La première est que le Conseil d’Etat ne joue pas franc jeu. Il nous a trop embobinés durant vingt ans pour qu’on puisse se fier à ses déclarations. La plus grande vigilance reste de mise. Le second constat à valeur permanente, du moins pour les exercices dont on a les comptes, c’est que la hausse de la dépense a toujours été supérieure à l’inflation et à l’augmentation de la population conjuguées. L’emprise étatique s’est accrue chaque année un peu plus. Il est temps de renverser la vapeur.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La démesure des limites planétaires – Editorial, Félicien Monnier
- † Michel Campiche – Jean-Philippe Chenaux
- Le Major Davel: derniers feux – Yves Gerhard
- Cher! – Jean-François Cavin
- Les mille façons de s’assimiler – Olivier Delacrétaz
- Santé vaudoise: les prestations d’intérêt général (PIG) dans le brouillard – Jean-Hugues Busslinger
- Ludivine Bantigny, démocrate aussi – Jacques Perrin
- UE: des négociations inabouties – Olivier Klunge