Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Le laïcisme selon le parti socialiste

Lars Klawonn
La Nation n° 1919 15 juillet 2011
En plus du dépassement du capitalisme et de la suppression de l’armée, comme l’exige le programme du parti, adopté en octobre 2010, le PS «s’engage pour un état de droit laïc et pluraliste.» C’est ce que l’on peut lire dans la Prise de position du Groupe socialiste au sujet de l’Islam, publié sur le site officiel du parti. Il y est précisé que «le PS attend de toutes les personnes migrantes qu’elles se montrent tolérantes et ouvertes par rapport à notre manière de vivre européenne, laïque et pluraliste.» On ne sait pas sur quoi le PS s’appuie quand il parle de notre manière de vivre «laïque et pluraliste». L’expression appartient plus à l’idéologie de gauche qu’à la réalité car, faut-il le rappeler, jusqu’à nouvel ordre, les cantons formant la Confédération suisse, à l’exception de Neuchâtel et de Genève, sont confessionnels. Contrairement à la France, la Suisse n’est ni laïque, ni pluraliste. Les questions touchant à la religion sont de la compétence des cantons. Dans le passé, cette solution a tout de même permis de régler passablement de problèmes entre catholiques et protestants.

La Suisse est un Etat non confessionnel. Cela ne l’empêche pourtant pas de se référer à Dieu. «Au nom de Dieu Tout-Puissant!» Ce sont les premiers mots de la Constitution fédérale. Cette référence à Dieu, bien que réduite au minimum, reste tout de même une référence. Ce n’est pas d’Allah, ce n’est pas de Bouddha, dont il s’agit. C’est de notre Dieu chrétien. Ce préambule, tout comme le drapeau qui porte comme emblème la Croix, rendent conscients du fait que les peuples suisses sont chrétiens.

La Prise de position du Groupe socialiste nous propose l’obligatoire «regard critique» sur le passé chrétien, histoire d’alimenter la Très Sainte Culpabilité, si propice à la tolérance, à l’ouverture et à la xénophilie sans limite, quitte à distordre à volonté les faits historiques. «Le siècle des Lumières qui a permis le développement de ces valeurs [la liberté religieuse, la liberté de croyance, le droit de pouvoir changer de religion, la tolérance] n’aurait pas pu se produire sans la présence de puissants monarques laïques qui ont su résister aux autorités religieuses et protéger les libres-penseurs.» Parler de monarques laïques est une lapalissade. Car en fait, à l’époque des Lumières, comme avant et après, tous les monarques étaient laïcs, c’est-à-dire des chrétiens baptisés qui ne faisaient pas partie du clergé. Le fait d’être laïc ou pas n’engageait en rien la foi des personnes concernées. C’était juste une question d’organisation de la société et de séparation des pouvoirs. Tous ensembles ils étaient des chrétiens dans une société chrétienne, y compris les scientifiques et la plupart des philosophes des Lumières.

Le PS définit le laïcisme comme «une séparation stricte de l’Etat et de la religion». Contrairement à ce qu’il pense, cette séparation n’est pas le mérite de la Révolution française. En déniant à l’homme ecclésiastique le droit de pouvoir exercer une fonction laïque, la Révolution française a fait reculer l’influence du clergé sur la société civile, et de cette manière a renforcé la séparation de l’Etat et de la religion. Mais elle ne l’a pas créée. Cette séparation a toujours été présente dans l’histoire chrétienne. Dans la Bible, il est écrit: «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.» (Mt, 22, 21). Ce n’est pas le cas de l’Islam. Le Coran ne se limite pas à la vie religieuse, mais implique l’application de normes civiles. C’est aussi un livre de droit. Dans beaucoup de pays musulmans aujourd’hui, la religion, c’est l’Etat. Des autorités religieuses tranchent des litiges civils dans des tribunaux religieux selon la loi du Coran. Cela le PS ne le dit pas. Or si le PS soutient une séparation radicale de l’Etat et de l’Eglise, comme il le prétend, il devra s’opposer à l’expansion de l’Islam plutôt que de se faire son avocat sous prétexte de traitement égalitaire.

En vérité, la laïcité que le PS vise à établir en Suisse n’a rien à voir avec la séparation de l’Etat et de la religion. Il s’agit d’une société où la religion sera d’ordre strictement privé. Au nom du respect des différences tant évoquées par la gauche, et notamment le respect des croyances autres que chrétiennes, on propagera une société où la foi chrétienne sera mise au même niveau que toutes les religions, et comme les autres, bannie de l’espace publique.

S’inscrivant dans cette logique de pensée égalitaire, et faisant fi des courants fondamentalistes de l’Islam, le PS se prononce pour la formation des imams dans les universités suisses, donc payée par l’argent des contribuables suisses. Mais pourquoi les contribuables devraient-ils payer la formation des imams? Selon le PS, c’est parce que la liberté religieuse, que personne ne conteste, est inscrite dans le droit constitutionnel. La liberté religieuse accorde à toute personne vivant sur le territoire suisse le droit d’exercer sa religion sans qu’elle soit pour cela persécutée, inculpée et condamnée. Dans bon nombre de pays musulmans, comme par exemple l’Arabie saoudite, pratiquer leur religion est strictement interdit aux non-musulmans; ceux qui désirent quitter l’Islam encourent de graves sanctions pénales, pouvant aller jusqu’à la peine de mort dans certains pays comme la Mauritanie et le Soudan. Cela le PS ne le dit pas.

La liberté religieuse telle qu’elle est accordée par la Constitution concerne les individus. C’est une liberté personnelle. L’égalité entre les religions n’en découle nullement, ni la transformation de nos Etats confessionnels en Etats laïcs. Accorder cette liberté aux individus tout en restant un Etat confessionnel n’est ni contradictoire, ni incompatible. Cette manière de fonctionner est d’ailleurs la réalité de la plupart des cantons suisses depuis de décennies.

Par ailleurs, la liberté religieuse n’infirme pas une règle de conduite essentielle. Même si elle n’est pas écrite dans les lois, elle fait partie du comportement civique des citoyens de ce monde: lorsqu’on entre dans la maison d’autrui, on doit le respecter. On ne brandit pas sa différence, on cherche à s’assimiler. Cela ne veut pas dire qu’on doit renier sa provenance et sa religion, mais tout simplement qu’on est conscient du fait qu’on n’est pas chez soi.

D’un côté, il y a ceux qui, comme le PS, pensent qu’au nom de l’égalité il faut subventionner les religions en présence sur le territoire suisse; et de l’autre, ceux qui pensent qu’au nom de l’égalité il faut supprimer toutes les subventions et transformer toutes les églises en des institutions privées, y compris les églises chrétiennes. La sagesse et le respect de notre histoire doivent nous indiquer une troisième voie. La référence à Dieu dans la Constitution qui fonde la coexistence des individus dans une société civile n’est pas anodine. Elle implique le devoir d’agir en conséquence par rapport à Dieu et à la religion. Si la Constitution fait appel à Dieu, cela signifie que Dieu n’est pas d’ordre purement privé, que son existence a quelque chose à voir avec notre vie en commun et avec notre destin.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: