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L’armée idéale des ignorants

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1973 9 août 2013

L’informatique a changé la guerre. A travers le réseau internet, en particulier, elle a multiplié les possibilités d’interventions hostiles et sans risque pour l’agresseur: espionnage permanent par des «chevaux de Troie» indétectables, propagande touchant instantanément l’ensemble de la population, intoxication des services de renseignement, sabotage des infrastructures nécessaires à l’industrie aussi bien qu’à la vie quotidienne, paralysie générale de l’informatique militaire, etc.

A partir de là, des ignorants prennent un air compétent pour nous expliquer que cette menace informatique est la seule qu’il faille prendre au sérieux et que la guerre telle que les Suisses la préparent est anachronique. A une milice lourdement et coûteusement armée d’un matériel selon eux dépassé, ils proposent de substituer un ou deux bataillons de spécialistes en codes et cassages de codes.

Il est remarquable que moins on en sait et plus on a sa petite idée sur l’armée idéale. Jadis, l’ignorant de service préconisait le maquis à la française – romantique et antifasciste –, sans penser qu’il fallait commencer par être envahi pour livrer ce type de combat. Ensuite ce fut la guérilla à la vietnamienne – populaire et anticapitaliste. Puis la guérilla devint urbaine – individualiste et télévisée.

Aujourd’hui, il a encore changé son fusil (à bouchons) d’épaule. Il prône la «cyberguerre» des hackers, ludique et garantie «zéro mort».

Pourquoi parler des menaces cybernétiques comme si elles avaient rendu caduques les menaces classiques? Elles s’y ajoutent et les aggravent: notre effort militaire ne doit pas se spécialiser en informatique, il doit simplement intégrer le nouveau paramètre.

C’est d’ailleurs, renseignements pris à bonne et gradée source, ce que fait l’armée helvétique qui, à l’image de la Suisse en général, n’est pas aussi mal équipée et incompétente en informatique que ne le prétendent ses ignorants contempteurs.

Ne faisons pas non plus comme si toutes les armées du monde étaient modernisées et maîtrisaient l’informatique de combat! En fait, nos ennemis potentiels sont aussi «anachroniques» que nous, voire plus.

Et les rares qui ne le sont pas pourraient néanmoins, à l’occasion, juger opportun de nous livrer une guerre «de grand-papa», avec matériel lourd, encerclement, franchissement de frontières, occupation de territoire, camps de prisonniers, gouvernement fantoche et tutti quanti. On ne peut pas ne pas en tenir compte dans nos perspectives à long terme, dans l’acquisition du matériel et la formation des troupes.

D’ailleurs, classique ou cybernétique, toute guerre ne finit-elle pas par prendre une forme territoriale? Si l’ennemi veut faire main basse sur des richesses minières ou, pour rester en Suisse, sur nos réserves hydrologiques, s’il veut mater la résistance et empêcher l’État vaincu de troubler le nouvel ordre politique, s’il veut imposer la bonne idéologie, le bon comportement économique voire la bonne religion aux populations «libérées», il lui faut bien envahir, occuper et contrôler le territoire.

Rappelons enfin aux obsédés du tout-informatique qu’une armée correctement dotée en moyens traditionnels est moins fragile qu’une armée entièrement cybernétisée, plus efficace en théorie, mais toujours à la merci totale d’un pirate un peu doué.

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