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NON aux bourses fédérales

Félicien Monnier
La Nation n° 2018 15 mai 2015

Le 14 juin 2015, le peuple et les cantons voteront sur l’initiative de l’Union des étudiants de Suisse (UNES) dite « Initiative sur les bourses d’études ». Celle-ci veut attribuer à la Confédération la compétence de légiférer en matière d’octroi d’aides à la formation destinées aux étudiants des hautes écoles et autres institutions d’enseignement supérieur (formation tertiaire).

En l’état actuel, la compétence en matière de bourses d’étude est cantonale. Si la Confédération peut certes verser aux cantons de l’argent afin qu’ils délivrent eux-mêmes des bourses, Berne ne peut délimiter le cercle des récipiendaires éventuels au-delà de la question de leur nationalité ou de leur capacité à terminer la formation envisagée.

Le 18 juin 2009, les directeurs cantonaux de l’instruction publique ont adopté le concordat intercantonal sur l’harmonisation des régimes de bourses d’étude. Seize cantons en sont signataires. Ce concordat est le fruit d’un très long travail de négociations intercantonales. En vigueur depuis le 1er mars 2013, il vise notamment à garantir le maintien du droit à la bourse malgré un éventuel changement de domicile. Il fixe en outre des conditions minimales d’obtention d’une bourse, ainsi que des tarifs standards. Les cantons signataires ont jusqu’en 2018 pour intégrer le concordat dans leur législation.

En centralisant, l’initiative de l’UNES propose une refonte complète du système. De plus, l’UNES ne règle pas la très importante question de la source de financement. La Constitution fédérale exige d’une autorité qu’elle assume elle-même les contributions qu’elle verse. Dans la mesure où les cantons devront assurer l’exécution des bourses fédérales, des flux financiers à la gestion kafkaïenne sont à prévoir.

Le but de l’initiative est explicitement de retirer aux cantons leur compétence en la matière. Au nom de l’égalité des chances, les différences de pratiques d’un canton à l’autre sont jugées inacceptables.

L’argument de l’efficacité est souvent opposé aux souverainetés cantonales. A y regarder de près, l’idée que la centralisation puisse résoudre par elle-même un problème relève de l’illogisme. Les auteurs de l’initiative souhaitent permettre au maximum d’étudiants de ne pas devoir financer eux-mêmes leurs études. Rien n’indique qu’une compétence fédérale assurera cette générosité. L’adage « bon parce que centralisé » n’est pas valable. Les élections prochaines semblent promettre une solide représentation bourgeoise aux Chambres. Il est peu probable que la future majorité soit sensible à ces questions de bourses d’études.

A la générosité espérée correspond l’obsession égalitariste de l’UNES. Que celle-ci s’attaque au système du concordat est symptomatique : il n’a même pas encore fait ses preuves. Seize cantons – dont les cantons universitaires de Bâle, Vaud, Genève, Fribourg, Neuchâtel et Berne – sont parvenus à s’entendre. Les initiants n’en ont cure. Au même titre que la centralisation bénéficie chez eux d’une présomption d’efficacité, les cantons souffrent d’une présomption d’arbitraire et d’inégalité.

L’UNES écarte d’innombrables points de la réflexion. Les différences dans les régimes de bourses dépendent de la politique de formation que les cantons veulent bien mener. N’oublions pas qu’ils en seront eux-mêmes les principaux bénéficiaires, du tissu économique au monde la culture, et donc les responsables. De même, un régime des bourses s’inscrit dans un système général de soutien à la formation. Celui-ci fait intervenir des liens plus ou moins privilégiés avec le secteur privé, plusieurs contributions localisées et autres allocations, des prêts ou encore des frais d’écolage de niveaux variables. Ces derniers sont par ailleurs l’un des meilleurs soutiens aux études, une sorte de bourse à l’envers.

Laisser les cantons agir dans leur sphère d’influence, qu’ils connaissent dans le détail, est plus judicieux. Les réalités socio-économiques des cantons suisses divergent profondément. Que le très traditionnel et très homogène canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures ne verse qu’une moyenne de 5573 francs par bourse n’a rien de scandaleux en soi. Ce jugement ne devrait d’ailleurs même pas nous appartenir.

Jugeant souvent un problème du seul point de vue helvétique, les centralisateurs proposent logiquement une solution helvétique. Ils oublient que la Suisse peut se permettre le luxe de soigner les détails institutionnels. Les cantons sont les orfèvres de cette politique de proximité. Il faut pour cela les voir comme des entités souveraines, pleinement libres et responsables. L’UNES – dont le point de vue pourrait très bien être européen – ne les voit guère plus que comme des districts administratifs. Aux organes cantonaux d’application s’ajoutera ainsi une enflure administrative fédérale de contrôle. La lourdeur et la lenteur s’additionneront à l’explosion des coûts. Le risque sera alors réel que moins de bourses soient délivrées, par souci de couvrir de nouveaux coûts, encore inexistants aujourd’hui.

Cette initiative réduit à néant les longs efforts menés par plusieurs cantons. Elle renie sur la forme et sur le fond le rôle qu’ils jouent en matière de soutien à la formation – et pas uniquement dans le domaine de la formation supérieure en hautes-écoles. Parce qu’elle représente l’archétype d’une centralisation inutile et maladroite, nous voterons NON.

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