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Eglise et Etat du Valais, bons camarades d’école

Xavier Panchaud
La Nation n° 2040 18 mars 2016

Le 14 décembre 2015, une convention entre l’école valaisanne et les Eglises reconnues a été signée à Sion. En quoi cela concerne-t-il le Pays de Vaud, me direz-vous?

Je répondrai que la teneur assez extraordinaire de ladite convention devrait au minimum susciter la curiosité des Vaudois et peut-être même les inspirer.

La convention a été cosignée par le conseiller d’Etat Oskar Freysinger pour l’Etat du Valais, Monseigneur Jean-Marie Lovey, évêque de Sion pour le diocèse de Sion et Beat Abegglen, président du Conseil synodal pour l’Eglise réformée du Valais1.

L’initiative de cette convention émane plutôt, semble-t-il, du pouvoir temporel, en particulier du chef de l’instruction publique et de ses proches collaborateurs.

Un préambule révèle l’esprit de la convention. Le texte commence comme suit: «L’identité culturelle du Valais, caractérisée par l’interaction entre la société civile, l’Etat et l’Eglise, peut compter sur la collaboration entre ces partenaires.» De plus, les parties contractantes sont «convaincues que la juste distinction entre les Eglises et l’Etat, dont les compétences différentes s’enrichissent mutuellement, permet de maintenir et développer la qualité de l’école valaisanne » et que «chacun, avec sa mission propre, vise à une éducation intégrale des personnes humaines »2.

Cette dernière expression met en exergue la philosophie qui imprègne le document. Ses auteurs sont des lecteurs de Maritain, Hadjadj et du cardinal Journet. L’éducation intégrale a pour objet de développer harmonieusement toutes les dimensions de la personne, à savoir l’intelligence, la libre volonté, l’imagination, la mémoire, l’affectivité et la condition physique.

L’article 3 expose les principes qui régissent cet accord. Le premier de ceux-ci est la distinction entre Eglise et Etat.

Cette distinction est claire car le rôle et l’ordre de compétence de ces institutions sont différents: l’une vise la fin ultime des personnes humaines, l’autre les valeurs humaines individuelles et sociales.

Cependant, ces sociétés sont liées en raison de plusieurs finalités communes: elles convergent en particulier dans les objectifs principaux de l’éducation en général et de la formation scolaire en particulier.

Le deuxième principe cardinal invoqué dans cet article est la collaboration entre Eglise et Etat.

Pour l’Eglise, «le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute et du bien des groupes dont l’homme est membre et au service desquels s’exercera son activité d’adulte »3. En effet, l’Eglise «prend soin de la totalité de la vie de l’homme y compris de ses préoccupations terrestres, dans la mesure où elles sont liés à sa vocation surnaturelle »4.

De plus, la mission générale de l’école valaisanne est «de seconder la famille dans l’éducation et l’instruction de la jeunesse. A cet effet, elle recherche la collaboration des Eglises reconnues de droit public. Elle s’efforce de développer le sens moral, les facultés intellectuelles et physiques de l’élève, de le préparer à sa tâche de personne humaine et de chrétien »5.

Pratiquement, cette collaboration a un double sens. D’une part, elle donne à l’Eglise de contribuer par sa présence à renforcer et encourager la finalité propre de l’école.

D’autre part, la collaboration requiert de l’école de réserver une place particulière aux Eglises pour assurer une formation culturelle religieuse et offrir des temps d’animation typiquement confessionnelle. Par conséquent, l’école prend en compte les attentes spécifiques des élèves chrétiens: elle autorise et favorise des activités confessionnelles qui correspondent à la mentalité profonde de la société valaisanne.

Pour mettre en œuvre cette collaboration, des groupes de travail «Eglise – Etat» sont mis en place sur les plans cantonal et communal6.

Concrètement, des cours d’enseignement religieux scolaires sont dispensés à l’école primaire ainsi qu’au secondaire I et II7. Au Collège – notre Gymnase –, les étudiants ont le choix entre un cours de «religion chrétienne» et un cours de «science des religions»8.

Par ailleurs, des activités catéchétiques ou retraites sont prévues – en plus des cours prévus à la grille horaire – à l’école primaire et au secondaire I9. En outre, les Eglises reconnues peuvent librement mettre sur pied des services d’aumônerie ou d’animation spirituelle au Collège10.

Au fond, ce document ne va pas chambouler le fonctionnement des écoles valaisannes. Pour l’essentiel, cette convention entérine la pratique actuelle. Elle clarifie néanmoins certains aspects et apporte quelques améliorations concrètes.

A noter enfin qu’en l’année du bicentenaire de sa réunion à la Confédération, le Valais a également offert à ses élèves un manuel d’histoire cantonal11.

Nous constatons donc avec plaisir que les autorités ecclésiastiques et politiques du Vieux-Pays assument leurs racines culturelles, historiques et religieuses. Au surplus, nous ne pouvons que féliciter cette volonté de léguer cet héritage aux jeunes générations.

La transmission du patrimoine immatériel et spirituel est – dans le temps long – un important gage de stabilité sociale et politique. Heureux le pays dont le gouvernement en est conscient.

Notes:

1 La Constitution du Canton du Valais dispose que: «Le statut de personne juridique de droit public est reconnu à l’Eglise catholique romaine et à l’Eglise réformée évangélique» (art. 2 al. 3 pr. Cst-VS).

2 Convention entre l’école valaisanne et les Eglises reconnues, préambule.

3 Concile Vatican II, Déclaration sur l’éducation chrétienne Gravissimum educationis, n° 1.

4 Idem, préambule.

5 Loi sur l’instruction publique, art. 3.

6 Convention entre l’école valaisanne et les Eglises reconnues, art. 4.

7 Idem, art. 5, 7 et 9.

8 Idem, art. 9 al. 2.

9 Idem, art. 6 et 8.

10 Idem, art. 10.

11 Ernest Jomini, «Des veinards», La Nation n° 2025 du 21 août 2015.

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