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Le corporatisme à Genève

Jean-François Pasche
La Nation n° 2141 31 janvier 2020

Nous avons lu dans le numéro de janvier de la revue historique Passé Simple un article sur l’expérience corporatiste vécue à Genève durant l’entre-deux-guerres1. Pierre Cormon revient sur la création en 1929 du Groupe patronal interprofessionnel, suivi deux ans plus tard par la création de la Fédération genevoise des corporations par ce groupe et les syndicats chrétiens. Il s’agissait alors d’une réaction au syndicalisme socialiste d’un côté et au capitalisme libéral de l’autre, sorte de troisième voie prônant une organisation sociale autour des principales professions constituées en corps. Les corporations avaient pour mission d’assurer la sécurité sociale et de réguler les conflits de concurrence au sein d’une même branche de métier. En outre, les loisirs et les vacances étaient pris en compte. Dans l’esprit des défenseurs du corporatisme, il s’agissait de «répondre aux exigences de la charité chrétienne, mais aussi de couper l’herbe sous le pied des mouvements de gauche». L’expérience n’a pas duré très longtemps et la Fédération genevoise des corporations est dissoute en 1946.

Toutefois, la Fédération des entreprises romandes Genève, qui subsiste aujourd’hui, en est directement issue. D’autre part, c’est pour partie aux mouvements corporatistes de l’entre-deux-guerres que la Suisse doit le fait de favoriser la discussion entre le patronat et les syndicats dans le but de conclure des conventions collectives à même d’éviter les conflits sociaux. Et à l’auteur de conclure que «le mouvement est loin d’être entièrement négatif. Il a engendré une forte croissance du nombre de conventions collectives et a contribué à mettre cet outil au centre des relations professionnelles. Il a permis de mettre en place des institutions et des prestations sociales. Nombre d’entre elles perdurent sous une forme ou sous une autre. Et l’ordre social qui s’impose en Suisse après la guerre lui emprunte bien des traits. Le corporatisme lui a préparé le terrain. C’est peut-être en disparaissant qu’il a connu son plus grand succès».

Toutefois, le corporatisme a aujourd’hui encore mauvaise presse. Il est presque systématiquement amalgamé au régime autoritaire de Mussolini. Cependant, le corporatisme de type fasciste est conçu de telle sorte que c’est l’État qui met tout en place depuis son sommet; il ne laisse aucun espace aux corps collectifs que sont l’Église, les familles et les corporations de métier de s’organiser selon les réalités vécues par chacun d’eux. Au contraire, «le corporatisme d’association, celui proposé en Suisse, veut laisser aux métiers la liberté de s’organiser»2. Cette liberté de s’organiser permet la recherche de solutions réalistes et applicables à même de répondre aux problèmes spécifiques de chaque type de métier. La hauteur d’observation n’est pas trop grande et les implications des décisions bien plus aisées à comprendre. Ce n’est pas ce que prétendait le fascisme, lui qui voulait garder une maîtrise complète sur tout.

Sous le nom de corporatisme, nous défendons un système politique qui laisse la possibilité aux intérêts communs de se regrouper naturellement. Dans cette perspective, l’État a pour rôle de s’assurer que les choses se passent bien. Il peut sommer des corporations de s’entendre entre elles, empêcher les abus de monopoles, veiller à laisser sa place à l’innovation et à l’intégration des nouveaux venus dans le pays. Il est l’autorité envers qui les chefs de corps sont responsables du maintien de l’ordre social et de la prospérité de la patrie.

Notes

1  Pierre Cormon, «Genève comme laboratoire du corporatisme», Passé-Simple, No 51, janvier 2020, pp. 29-31.

2  Olivier Meuwly, «Corporatisme», Dictionnaire historique de la Suisse, https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/009931/ 2007-08-06.

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