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L’impôt s’intéresse aussi aux personnes morales

Jean-Hugues Busslinger
La Nation n° 2238 20 octobre 2023

Tous les regards ou presque se sont focalisés sur les projets du Conseil d’Etat en matière de fiscalité des personnes physiques. Nous avons eu l’occasion de regretter dans ces colonnes l’excessive retenue de l’exécutif cantonal lorsqu’il s’est agi d’accorder aux contribuables une baisse de l’impôt sur le revenu. Pour 2024, le débat du Grand Conseil se termine, sous réserve de référendum, par une baisse de 3,5% de l’impôt cantonal sur le revenu, ce qui équivaut grosso modo à la baisse de 5 points du coefficient cantonal demandée par la motion Jobin et soutenue par la droite du Parlement.

Modifications de l’impôt sur le bénéfice

D’autres modifications de la loi d’impôt pour 2024, soumises au Grand Conseil, ont presque été passées sous silence. Elles concernent les personnes morales et doivent se lire à la lumière des développements liés à l’adoption du projet GLOBE, projet d’imposition minimale des grands groupes d’entreprises mis en œuvre à l’échelon international et que peuple et cantons ont largement accepté en juin dernier. Grande nouveauté, il est prévu l’introduction d’une progressivité de l’impôt sur le bénéfice des sociétés. Actuellement, ce taux est de 3 1/3% du bénéfice, quel qu’en soit le montant1. Au futur, ce taux serait maintenu au niveau actuel pour la tranche de bénéfice imposable inférieure à 10 millions de francs. Pour la tranche de bénéfice supérieure à ce montant, l’impôt serait de 3,75%. En outre, l’Etat de Vaud propose de faire évoluer l’imposition au taux distinct des réserves latentes vers un système d’amortissement annuel jusqu’en 2029; on nous pardonnera de ne pas nous étendre sur ce dernier élément, vu sa technicité. S’agissant du taux, on peut légitimement s’interroger sur le bien-fondé de ce qui ressemble furieusement à une hausse de l’imposition du bénéfice des personnes morales, dès lors qu’il dépasserait les dix millions de francs. L’exposé des motifs et projet de loi à l’appui de cette modification est au demeurant parfaitement muet sur les motivations d’une telle hausse.

Un lien avec la fiscalité internationale

Un effort de décryptage s’avère donc nécessaire, qui concerne essentiellement le rappel du projet GLOBE. On se souvient que ce mécanisme, adopté par l’OCDE et quelque 140 pays, prévoit que les entreprises actives sur le plan international qui réalisent plus de 750 millions de francs de chiffre d’affaires devront s’acquitter d’un impôt de 15% au minimum. Si, dans un pays, le taux de 15% n’est pas prélevé, les autres pays qui abritent des activités de l’entreprise seront en droit de prélever la différence entre l’imposition réelle et le taux minimal. Le vote du 18 juin dernier mettait en place les conditions pour que l’intégralité du substrat fiscal reste en Suisse, introduisant de facto dans notre pays un taux fiscal de 15% sur les bénéfices des entreprises concernées. Le surplus d’imposition entre le taux réel d’un canton et le taux de 15% devra être réparti à raison de 25% pour la Confédération et 75% pour les cantons, ce tout au moins jusqu’à ce qu’une loi fédérale vienne remplacer le système d’ordonnances destiné à permettre une mise en œuvre rapide du dispositif, coordonnée avec son introduction sur le plan international.

On doit donc comprendre l’augmentation de l’imposition de la tranche de bénéfice des personnes morales supérieure à 10 millions de francs comme une mesure avant tout destinée à sécuriser dans le temps la part du Canton à l’impôt des groupes internationaux, ceux qui composent la plus grande part des entreprises à même de réaliser, dans le Canton, un bénéfice d’une telle ampleur. En augmentant l’impôt sur la tranche supérieure, c’est tout autant qui restera dans le Canton et ne sera pas soumis à la répartition Confédération (25%) / cantons (75%) prévue par le dispositif, dont on a vu par ailleurs qu’elle n’est pas gravée dans le marbre et pourra être remise en question dans un délai de quelques années.

Des mesures de soutien attendues

Vue sous cet angle, l’augmentation demandée peut se comprendre. Elle achoppe cependant sur le fait qu’elle touchera assurément quelques entreprises qui réalisent plus de 10 millions de francs de bénéfice mais n’entrent pas dans le champ de la réforme GLOBE. Pour ces victimes collatérales, il s’agit d’une réelle hausse d’impôts qui, par principe, est difficilement acceptable. Il eût été préférable d’introduire dans le projet de loi une distinction précisant que le nouveau taux ne s’appliquait que pour autant que l’entreprise soit concernée par les règles d’imposition minimale fixées par l’OCDE et le G20. Dès lors, on attend avec impatience (c’est prévu pour le début de l’année 2024) le projet du Conseil d’Etat qui, à l’aide des revenus supplémentaires générés par l’imposition à 15% des bénéfices, doit renforcer l’attractivité de la place économique. Sont dans ce cadre évoqués notamment des mesures fiscales, un soutien à la recherche et au développement, à la formation, ainsi que des appuis à la transition énergétique ou à l’accueil extrafamilial des enfants. Un effort significatif est attendu notamment sur le plan de la fiscalité du capital des start-up et des entreprises en développement ainsi que de l’encouragement à la recherche, autant d’éléments importants pour la pérennité du tissu économique et des emplois vaudois.

Notes:

1   Articles 105 al 1 et 111 al.1 de la loi sur les impôts directs cantonaux (LI) du 4 juillet 2000. (On remarquera que la proposition de nouvelle rédaction lève une ambigüité en précisant 3,1/3%).

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