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Quelques acteurs de la démocratie directe

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2262 20 septembre 2024

Différents acteurs se partagent la scène de la démocratie directe en Suisse. Les partis l’utilisent comme épée de Damoclès au parlement, ou comme outil promotionnel avant et pendant les élections. Les associations professionnelles, syndicats et autres groupes d’intérêts y recourent dans les dossiers d’infrastructures, d’assurances sociales, de formation professionnelle, de mobilité ou d’énergie.

Occasionnellement, des comités se révèlent en dehors de ces cadres, menés par une personnalité originale et plutôt éloignée de l’officialité. Ce fut le cas en 2009 avec Willy Cretegny dans la lutte contre le Cassis de Dijon, ou plus récemment avec Pierre-Alain Bruchez contre le Mantelerlass. Agriculteur ou ancien fonctionnaire, ces personnes connaissaient bien les institutions.

Plus rarement, des sujets font éclore un mouvement d’apparence spontanée, constitué de personnes d’habitude éloignées de la chose publique. Ce fut le cas entre 2013 et 2016 avec la campagne en faveur d’un revenu inconditionnel de base, ou des référendums contre les moutures de la Lex Covid. Les Amis de la Constitution, par exemple, rassemblèrent principalement des personnes venues au combat politique par un élan de révolte contre un objet spécifique.

On vit enfin apparaître ces dernières années des mouvements plus structurés et dotés de plus de moyens. Les médias les adoubèrent d’emblée comme «issus de la société civile», ce magma associatif caractérisé par son progressisme. Bénéficiant d’un a priori positif, sinon enthousiaste, ils gagnèrent immédiatement en légitimité. Jamais Les Amis de la Constitution, malgré leur nombre, ne purent prétendre à ce statut.

On pensera à l’initiative pour les multinationales responsables. Elle vit, entre 2015 et 2020, le charismatique Dick Marty emmener dans son sillage des centaines de militants et mettre la majeure partie de l’opinion de son côté. Son mérite fut d’adosser à son initiative un véritable mouvement, qui bénéficiait de postes rémunérés et d’antennes locales. Malgré son échec, il nous rappela qu’une campagne d’initiative se mène sans discontinuer dès avant la récolte de signatures jusqu’au lendemain du vote.

Opération Libero est née en réaction à l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse, le 9 février 2014. Plurithématique, elle s’engage pour une Suisse européenne, jeune, libérale, égalitaire et technologique. Elle serait non partisane, même si plusieurs de ses membres, dont sa co-présidente1, sont encartés. Ce mouvement soutient actuellement une initiative pour accorder la naturalisation à toute personne domiciliée légalement en Suisse depuis cinq ans. Simultanément, il récolte des signatures pour «l’intégration européenne de la Suisse» et veut contraindre le Conseil fédéral à ne pas se contenter des bilatérales.

La ligne graphique d’Opération Libero – violette et blanche, comme logo une croix suisse inclinée à 45 degrés dans un carré – est très proche de celle du mouvement «pour un service citoyen»: rose, noire et blanche, et comme logo une étoile blanche à quatre branches dans un carré incliné à 45 degrés. Le mode d’action de ce dernier, tout comme sa structure, rappellent celui de l’initiative pour les multinationales responsables. Lui aussi revendique son indépendance à l’égard des partis. Son initiative met dans une quasi-équivalence service militaire et service civil. Elle veut étendre le service civil aux étrangers. Elle est égalitaire et rend indistinctes les notions de communauté et d’appartenance.

En 1933, en guise d’acte de naissance, la Ligue vaudoise eut l’audace de lancer une initiative réclamant la non-application, dans le Canton de Vaud, d’un arrêté fédéral d’imposition des vins. Pour nos fondateurs, la démocratie directe était d’abord un moyen d’affirmer des réalités politiques: la souveraineté du Canton et les intérêts de la viticulture vaudoise. Cette perspective n’a pas changé.

Nous avons fréquemment, cette année encore, recouru au droit de référendum. Il nous emmène sur le terrain de la politique concrète et permet efficacement de lutter contre la centralisation. Nous suivons le projet de loi dès sa sortie de l’administration, puis les débats au parlement. Avant de décider d’un lancement, nous pesons le pour et le contre, dressons la liste des alliances possibles, sondons nos finances et passons quelques coups de fil. Le calendrier n’appartient pas aux référendaires. Parfois pris par surprise, il jouent un véritable rôle d’opposition.

Le droit d’initiative est plus délicat à manier, tant il sombre rapidement dans la profession de foi idéologique. Les opérations pour le retour à la démocratie directe, entre 1945 et 1949, et la «Parole aux communes», en 2007 furent à ce jour nos seules avancées sur ce terrain. Elles visaient, par des mécanismes institutionnels, à donner de meilleures garanties aux libertés cantonales dans le premier cas et mieux protéger les communes vaudoises dans le second. La Ligue vaudoise ne prétend pas gouverner par initiatives populaires, et encore moins à disparaître après avoir tenté son coup d’éclat.

Notes:

1   Il s’agit de Mme Sanija Ameti, actuellement sous le coup d’une procédure d’exclusion des Verts Libéraux pour avoir publié sur Instagram une photographie d’elle tirant au pistolet sur une image d’une Vierge à l’Enfant.

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