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Philipp Müller et le Cassis-de-Dijon

Félicien Monnier
La Nation n° 2027 18 septembre 2015

Le 8 septembre dernier, M. Philipp Müller, président du parti libéral-radical (PLR) suisse a évoqué le principe du Cassis-de-Dijon sur les ondes de La Première (RTS). On se souvient qu’en 2009, la Ligue vaudoise avait conduit la récolte de signatures contre l’introduction en droit suisse du principe du Cassis-de-Dijon. Malheureusement, la récolte de signatures n’avait pas abouti. Le principe du Cassis-de-Dijon, principe de droit communautaire, a fini par être accepté unilatéralement par la Suisse, pourtant non membre de l’Union.

M. Jacques Bourgeois, pourtant favorable au Cassis en 2009, est parvenu en mai 2015 à faire passer devant le Conseil national une initiative pour le retrait des denrées alimentaires du principe. Cette tentative a échoué devant les Etats en juin dernier, par la faute d’un PDC soutenant aveuglement les erreurs de sa conseillère fédérale Doris Leuthard.

Le Cassis-de-Dijon contraint la Suisse à considérer comme valables les règles de l’Union européenne en matière de production alimentaire. C’est un principe de relativisme normatif. «Bon pour l’Europe» équivaut à «bon pour la Suisse». Sur les ondes de la RTS, Philipp Müller n’a pas dit autre chose. Mais la froideur et l’aplomb avec laquelle il a tenu ces propos nous ont sidéré.

Pour le président du PLR, l’adoption du principe du Cassis-de-Dijon est le premier pas pour faire baisser les prix. Au journaliste l’interrogeant sur le relativisme normatif intrinsèque au principe, M. Müller répond en substance: «Si les Européens peuvent manger quelque chose, pourquoi les Suisses ne le pourraient-ils pas? Si c’est acceptable pour les gens de l’Union, c’est aussi acceptable pour la Suisse».

M. Müller considère que le tri qualitatif appartient au consommateur. Il suffirait de l’informer sur la composition du produit. Le libre arbitre – et le bon sens – de la ménagère helvétique devrait faire le reste. Mais cette position n’est pas tenable et attribue au consommateur des vertus qu’il n’a pas, ou ne peut pas se permettre d’avoir. La réalité est qu’au-delà de la qualité des produits les agriculteurs suisses peinent à tenir la distance avec leurs concurrents étrangers. Ces derniers bénéficient de conditions économiques bien plus favorables. La crise contribue notamment à creuser les écarts entre la Suisse et le reste de l’Europe. La BNS en sait quelque chose. Or, notre agriculture est plus qu’une activité économique. Elle doit le plus possible assurer la subsistance alimentaire du pays.

A côté de ces questions complexes de qualité des produits et de concurrence, les propos de Philipp Müller ont une résonnance terrifiante au niveau des principes politiques. Si les normes européennes – et leurs possibles évolutions – sont jugées acceptables a priori pour la Suisse, à quoi cela sert-il encore de légiférer? M. Müller tire tout bonnement un trait sur la souveraineté de la Confédération et des cantons. Avant la survenance d’un malheureux accident, Philipp Müller faisait campagne pour les Etats. Mais à quoi bon? Il vient de reconnaître que la production bruxelloise vaut celle du Parlement fédéral.

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