Juvenilia CXXIII

Plusieurs de mes élèves se plaisent à me comparer au professeur Charles Xavier, fondateur d’une école pour mutants surdoués, dans les films de leur série culte X-Men. Un jour, ils ont affiché un portrait du professeur X au tableau interactif. Hum! J’aurais préféré ressembler à Tom Cruise ou à Leonardo Di Caprio; surtout que ledit professeur est cloué sur une chaise d’infirme. Mais ne soyons pas trop difficile: je suis un super-héros doué de super pouvoirs, ce qui devrait suffire à combler ma vanité.

Vendredi, midi moins le quart, mes mutants sont fatigués et l’attention se dissipe. Il y a longtemps que Florian, un notoire intermittent du boulot, a lâché prise et se laisse aller au gré de ses rêveries. Sans quitter sa position affalée, tête appuyée sur le revers de la main, il m’interrompt sans façon:

– Vous ne pourriez pas venir une fois en classe en costar cravate sur un fauteuil roulant: il ne vous manque que les super pouvoirs pour être un sosie du professeur X.

– J’ai encore du mal avec la téléportation, mais je lis sans trop de difficultés dans les pensées.

Il se redresse avec fougue:

– Dites-moi à quoi je pense en ce moment même! Je feins une concentration épuisante et plante mon regard dans ses yeux:

– Tu penses ceci, Florian Delgado: «C’est la fin de la semaine, j’en ai marre, ce cours d’histoire est assommant, j’ai les crocs, vivement la sonnerie et le repas.»

– Alors là… alors là, vous êtes vraiment trop fort: c’est exactement ce que je pense, au mot près!