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Affaire Giroud: le rôle d’un journaliste de la RTS

Rédaction
La Nation n° 2037 5 février 2016

Nous publions ci-dessous des extraits de la traduction française, publiée sur le site Les Observateurs1, de l’article d’Alex Baur paru le 21 janvier 2016 dans la Weltwoche sous le titre «Alle gegen Giroud».

Nous rappelons d’abord les principales étapes de l’affaire Giroud. Fin 2013, le négociant en vins valaisan Dominique Giroud est successivement accusé, par Le Temps d’avoir fraudé le fisc, puis par la RTS d’avoir coupé du Saint-Saphorin. En juin 2014, Giroud est arrêté à Genève en compagnie du détective privé Antonino Mannisi: ils sont soupçonnés d’avoir piraté les ordinateurs du journaliste de la RTS, Yves Steiner, ainsi que de la correspondante du Temps en Valais, Marie Parvex. En juillet 2014, Giroud est reconnu coupable de fraude fiscale. En décembre 2014, Giroud est blanchi de l’accusation de coupage de vin.

* * *

[…] Alors que les spéculations sur le «faux» Saint-Saphorin avaient généré une couverture massive dans les journaux et à la télévision, la réhabilitation n’est mentionnée qu’en passant, le plus souvent accompagnée de nombreux bémols. La tonalité générale est partout la même: «C’est parce qu’il n’a pas été possible de prouver sa culpabilité.» A l’exception de Thierry Meyer, rédacteur en chef de 24 heures, qui critique dans un éditorial la campagne de dénigrement contre le vigneron, aucune rédaction n’a senti le besoin de présenter des excuses.

Le paysage médiatique romand souffre d’une absence de diversité. La couverture des enquêtes du Ministère public genevois sur l’affaire de piratage l’illustre une nouvelle fois. Un rapport d’enquête de la police, que la Weltwoche s’est procuré, permet de retracer les événements. […]

Le hasard veut qu’à l’époque la police genevoise écoute le téléphone mobile de Mannisi dans le cadre d’une autre procédure. Il en résulte des procès- verbaux montrant que le détective joue depuis le début un double rôle. Entre novembre 2013 et février 2014, il appelle, souvent plusieurs fois par jour, le journaliste de la RTS Yves Steiner. Il lui fournit en permanence les informations les plus strictement confidentielles sur Giroud. Autrement dit, c’est le supposé homme de confiance qui est l’auteur des fuites que cherche le négociant en vins. Steiner peut en quelque sorte suivre en direct ce que Giroud décide, de manière toujours plus désespérée, pour sa défense. Apparemment, les deux hommes se connaissent depuis des années: le détective avait déjà joué le rôle d’expert sur les écrans de la RTS.

A en croire les nombreux procès-verbaux d’écoutes téléphoniques, Steiner ne fait pas que réceptionner des informations, mais s’implique aussi très activement dans le double jeu de Mannisi. Le 10 décembre 2013, par exemple, il pousse l’agent double Mannisi à convaincre Giroud, dont la situation devient toujours plus inconfortable, d’engager un conseiller RP de la société Dynamics en qui le journaliste a confiance. A plusieurs reprises, Steiner demande au détective privé d’enregistrer secrètement les conversations de Dominique Giroud avec ses avocats – ce qui, comme il aurait dû le savoir en tant que journaliste, est juridiquement punissable.

Il ressort des écoutes téléphoniques de la police que Steiner a des «petits camarades» à la rédaction du Matin Dimanche, avec lesquels il peut coordonner sa campagne. Grâce à Mannisi, le journaliste de la RTS sait parfaitement qu’une cyber-attaque est projetée, dirigée en premier lieu contre Marie Parvex, du Temps, et contre lui-même. Steiner s’y prépare en conséquence – en revanche, il ne semble pas lui être venu à l’esprit d’en avertir sa collègue Parvex. Le 31 janvier 2014, il en arrive même à déclarer au téléphone à Mannisi que «ça l’intéresserait de voir le résultat, s’ils trouvent quelque chose». Autrement dit, Steiner aurait pu secrètement consulter les recherches et les sources de sa collègue du Temps.

[…] Clairement, Steiner se sent très fort. «La RTS avec son armada de juristes» le protégera et «s’occupera de ses frais de justice», se vante-t-il auprès de Mannisi. Dans ce contexte, le rôle de victime que Steiner se donnera plus tard au 19:30 face à la caméra apparaît pour ce qu’il est: de la pure hypocrisie. Car, le 4 mars 2014, ceux qui s’attaquent à l’ordinateur de Steiner tombent en fait dans le piège qui leur a été soigneusement tendu.

Les écoutes téléphoniques ne livrent aucun indice permettant de penser que Mannisi et Steiner ont entrepris quoi que ce soit pour empêcher l’acte de piratage. La question qui se pose est plutôt de savoir si le détective n’a pas, en réalité, encouragé la cyber-attaque illégale en tant qu’agent provocateur et si de tels agissements sont vraiment compatibles avec le rôle d’une télévision de service public. Comme l’admet Steiner dans le procès-verbal d’une procédure annexe, il s’est occupé de l’affaire Giroud «à près de 100%» de son temps de travail pendant plus de six mois.

[…]

* * *

L’article nous apprend encore qu’Yves Steiner «travaille depuis septembre 2014 comme porte-parole du Contrôle fédéral des finances».

Notes:

1 http://lesobservateurs.ch/2016/01/22/ medias-affaire-giroud-vins-tous-contre-giroud-explosif/

 

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