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Le jardin que nous avons à cultiver

Félicien Monnier
La Nation n° 2233 11 août 2023

Comme la mort corporelle donne son vrai prix à la vie, les limites tracées par l’histoire aux nations et aux individus par le droit et les mœurs sont autant de murs de soutènement du champ que nous avons à cultiver.

Marcel Regamey, 1946

 

Le Camp de Valeyres qui vient de s’achever donna aux participants à méditer en musique, le dernier soir qui prend toujours la forme d’une synthèse, cette phrase que nous mettons en exergue. Nous préférons l’image du jardin à celle du champ: amusons-nous donc à imaginer métaphoriquement le jardin que pourrait constituer le Pays de Vaud.

Ses murs, de calcaire à l’Ouest, de granit à l’Est, sont vieux. La majorité en est d’ailleurs inchangée depuis le XIIe siècle. Les plus vénérables conservent même la trace d’inscriptions burgondes. Dans leurs interstices, les plus chanceux retrouvent des monnaies rodolphiennes ou savoyardes. Des bornes flanquées du lys des rois de France et de l’ours de Berne marquent encore quelques coins de ce jardin polygonal. Certaines de ses limites sont marquées par un cours d’eau. La nature joue son rôle aussi dans la fixation des équilibres nationaux.

Le poids de l’histoire ne concerne pas que nos frontières. Ses dallages, ses échalas et ses bancs permettent aux jardiniers de se mouvoir, aux plantes de s’élever, aux amoureux de s’arrêter et aux poètes de contempler. Certains carrés du potager – seigneuries devenues bailliages puis districts, ou encore communes et paroisses – n’ont eux aussi guère changé depuis Pierre II de Savoie (1203-1268). Ils témoignent autant de l’omniprésence des institutions dans nos vies quotidiennes que de leur persistance historique.

Ces institutions diffèrent de celles des jardins voisins. Au fil des hivers et des canicules, contraintes par la nature, la qualité du sol, la faune et la flore, elles ont fini par épouser les traits du lieu. Mais elles ont également souffert. Si la houlette de Berne a rationalisé les cultures et aligné les plants, elle a, la première, atrophié les libertés locales et la biodiversité politique qu’elles offraient. Depuis 1798, le parasite de l’égalité s’obstine à imposer la monoculture. Plus récemment, le règne du plastique et du béton a fait surgir des cubes aux couleurs criardes. Mais les variétés anciennes ont la vie dure. Les vieilles racines donnent non seulement de la sueur aux arracheurs, mais offrent surtout de belles pousses.

Durant deux semaines hors du monde et du temps, nous avons eu le privilège de côtoyer des jeunes gens alertes, passionnés de politique, d’histoire et de philosophie et, par-dessus tout, dévoués au Canton. Nous savons qu’ils l’irrigueront de leur engagement.

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