La burka, une affaire fédérale, cantonale ou communale?
L'initiative fédérale dite «contre la burka » vise à interdire de dissimuler son visage dans les lieux publics. Elle prévoit des exceptions sanitaires, climatiques ou relevant de coutumes locales. Elle est en cours de récolte.
Les motifs de donner sa signature ne manquent pas, les motifs de ne pas la donner non plus. Petite sœur de l'initiative contre les minarets, elle provient des mêmes milieux. Rien que pour cela, beaucoup sont tentés de la rejeter – ou de la signer – a priori.
Les féministes sont divisées. Plus d'une signera contre un usage contraignant qui humilie la femme. D'autres, à l'inverse, voudront préserver le libre choix de la musulmane face à l'impérialisme vestimentaire occidental.
Les commerçants qui ont vu fracasser leur boutique par des Black Block masqués signeront. D'autres, qui proposent des produits de luxe et préfèrent dépouiller les riches Saoudiennes de leur argent que de leurs vêtements, ne signeront pas.
Le parlement tessinois vient d'adopter à la quasi-unanimité deux lois conçues dans le même esprit que l'initiative fédérale. L'intéressant est qu'il n'invoque pas la sécurité, mais la protection de relations sociales civilisées, lesquelles exigent que chacun découvre son visage.
C'est un fait que les gens masqués, tout comme les graffitis, les manifestations interdites et les incivilités, suscitent une crainte diffuse qui péjore la vie sociale. Cette crainte s'accroît aujourd'hui de ce qu'une burka peut parfaitement camoufler un abruti bardé d'explosifs. La question de l'interdiction du masque se pose donc. Encore faut-il la poser au bon niveau politique.
L'initiative a été lancée au niveau fédéral dans l'idée de manifester l'opposition de principe des Suisses aux mœurs musulmanes et, remontant de l'effet à la cause, à l'islam lui-même. Après le 13 novembre, certaines signatures auront une valeur punitive. Mais on ne combat pas une religion, pas plus qu'on ne manifeste son indignation avec des textes de loi.
Se pose aussi la question de la faisabilité. La loi française interdisant le port de la burka crée de tels problèmes aux agents chargés de l'appliquer qu'elle reste lettre à peu près morte.
Enfin et surtout, en Suisse, les questions de mœurs et de religion relèvent des cantons. C'est à juste titre, tant ceux-ci diffèrent dans ces domaines. Cela disqualifie d'emblée toute disposition fédérale sur le sujet.
Finalement, la question du port du masque relève de l'ordre dans les rues. Aussi bien, si le Canton de Vaud venait à se doter d'une loi sur ce sujet, les autorisations, les dérogations et les interventions policières – tout de même rares – devraient être traitées par la commune concernée d'abord, ses autorités étant les plus aptes à juger ce qu'il convient de faire.
(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 1er décembre 2015)