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Actualités  |  Mardi 8 septembre 2015

Sur l'asile, deux points de vue également légitimes

C'est à raison que les associations humanitaires et les Eglises demandent aux Suisses d'offrir un accueil décent aux demandeurs d'asile. La façon dont nous les accueillons donne la mesure de notre civilisation. Ces institutions elles-mêmes reconnaissent toutefois que nous ne pouvons les accueillir tous.

Aussi, tiraillés entre deux exigences contraires, nous baladons le curseur de notre conscience entre accueil et refoulement. «Entre générosité et égoïsme», disent les uns, «entre suicide et survie» répondent les autres.

On sent bien qu'il y a quelque chose de juste et d'impérieux dans chacune de ces deux exigences. Elles ne sont d'ailleurs qu'apparemment contradictoires, ne se situant pas sur le même plan et n'obéissant pas tout à fait aux mêmes critères. L'une est collective et politique. Elle est l'affaire du législateur et du gouvernement. L'autre est personnelle et morale.

Le rôle du politique, praticien du moindre mal, est avant tout d'assurer la pérennité de la communauté qui lui est confiée. En l'occurrence, il doit notamment apprécier avec précision les limites de nos capacités d'hébergement. Au-delà, il est juste de craindre, sous le flot indéfini d'arrivants pratiquant d'autres mœurs, d'autres langues et d'autres religions, une disparition progressive de tout ce qui fait notre civilisation.

On nous présente ce flot comme irrésistible. C'est peut-être vrai, mais pas forcément. Les possibilités d'intervention des Etats européens, sur leurs propres frontières, contre les maffias de passeurs et auprès des Etats d'origine, sont en tout cas loin d'être épuisées.

Quoi qu'il en soit, la tâche propre du gouvernement reste la protection du pays, de son ordre et de sa culture. Il ne saurait, sous le coup d'une émotion personnelle ou d'une pression internationale, promulguer une loi plus généreuse que le peuple ne peut durablement la supporter. Il ne ferait qu'aggraver les tensions entre les nationaux et les étrangers.

Quant à l'individu, il ne lui appartient pas, à son niveau, de traiter l'étranger arrivé chez nous comme il voudrait que l'Etat conduise sa politique migratoire. Il se trouve en effet non devant un problème général, mais devant une personne concrète, qui a un nom, un passé, et qui se cherche un avenir. C'est là que l'appel des humanitaires et des Eglises prend son sens.

Ainsi, il n'y a pas contradiction mais complémentarité entre la défense politique de notre identité et les générosités individuelles. Les capacités d'accueil de la population sur le long terme indiquent au législateur les limites que ses lois ne doivent pas dépasser. En retour, ces lois protectrices structurent une société où la coexistence pacifique, voire une entraide durable restent envisageables aujourd'hui.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 8 septembre 2015)