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Actualités  |  Mardi 31 mars 2020

Le péché originel comme hypothèse scientifique

«La sottise, l'erreur, le péché, la lésine, écrit Baudelaire, occupent nos esprits et travaillent nos corps.» Le mal est partout à l’œuvre, guerres militaires ou civiles, génocides, déportations de masse, actes de terrorisme d’Etat ou individuels, meurtres, viols, rapts et vols; plus banals, les coups et les injures, les querelles de voisinage, les déprédations de bâtiments; plus mesquins, les abus de pouvoir, les humiliations, le mobbing, les dénonciations anonymes, les mensonges; plus intimes, nos pulsions obscures de mépris, d’envie, de vengeance; plus profonde, enfin, enfouie dans les recoins incertains de nos expériences traumatiques, une espèce de réserve de mal, inconsciente, indistincte et grouillante.

Le mal est inventif et habile. Il glisse l’esprit de jugement entre les lignes du discours vertueux, dissimule le ressentiment derrière le pardon, le désir de pouvoir sous la charité, l’orgueil sous l’humilité.

On l’explique par la cupidité, ou par les inégalités sociales, ou par l’appropriation privée des moyens de production, ou par une éducation répressive, ou laxiste, ou par les barrières qui divisent l’humanité en nations, en races et en genres, ou par la mondialisation. Et ces explications, qui se révèlent toutes insuffisantes, suscitent des solutions qui ne le sont pas moins: étatiser l’économie et la propriété, imposer l’égalité absolue en toute chose, doubler les lois et quadrupler les peines, donner une liberté illimitée à l’individu, censurer les «discours de haine», aplatir les hiérarchies, enseigner la «citoyenneté».

… et le mal est toujours là, invincible, insondable, poison actif et subtil qui ne cesse de surgir et de resurgir où on ne l’attendait pas.

L’ampleur et l’omniprésence du mal, sa résistance incompréhensible à nos explications et à nos solutions nous conduisent à rechercher une cause plus générale derrière les causes particulières, et qui les englobe. Et la seule qui corresponde à la puissance et à la diversité du mal, c’est encore le péché originel, c’est-à-dire la révolte de l’homme contre le Créateur et l’éloignement mortifère qui en est résulté.

Et la réponse à ce mal omniprésent, elle aussi omniprésente, démesurée et mystérieuse, c’est le sacrifice du Christ, vrai Dieu et vrai homme, qui prend sur lui tout le mal du monde, meurt en croix et ressuscite. Dans un univers purement rationnel et technique, l’hypothèse du péché originel semble n’avoir aucun sens, le récit de la Résurrection non plus, et la toute prochaine fête de Pâques pas davantage. Et pourtant, cette affirmation de foi remonte très logiquement des effets à la cause. De plus, elle respecte une juste proportion entre le mal, le diagnostic et le remède. Elle répond donc, sur ces deux points, aux conditions de validation d’une hypothèse scientifique.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 31 mars 2020)