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Actualités  |  Mardi 12 octobre 2021

Il y a une belle leçon à tirer du dernier James Bond

James Bond est Vaudois par sa mère. C’est une excellente raison de se préoccuper des causes du désastre final de «No time to die», dernier volet des aventures de 007, actuellement sur les écrans.

Dans ce film, les difficultés du célèbre espion découlent des égarements prométhéens du MI6, le service secret de Sa Majesté. Son chef M, en grand secret, a mis en place un laboratoire biogénétique chargé de développer l’arme parfaite. Par ciblage de l’ADN, elle serait capable d’éliminer les ennemis de la Couronne sans bavures ni dommages collatéraux.

Cette nouvelle arme répond à de nombreuses obsessions contemporaines. L’application stricte d’une recette scientifique, d’un procédé biologique, exonère les exécutants de toute responsabilité. On y retrouve le fantasme d’une maîtrise absolue de la réalité. Le décideur décide, la technique fait son œuvre en écartant les intermédiaires. L’inexactitude du renseignement, la marge d’appréciation des subordonnés, le bousculement de l’horaire, le déraillement des plans, tous ces risques sont éliminés. Les agents peuvent enfin être relégués derrière un ordinateur, le pistolet au placard, l’Aston Martin au garage.

Mais voilà que le SPECTRE, ennemi historique de Bond, parvient à voler cette arme génétique. Pour la première fois de la saga – à l’exception des cas assez classiques de traîtrise – une erreur du MI6 met le monde en danger: cette arme est sur le point de se transformer en pandémie nanotechnologique.

Ces dévoiements étaient-ils évitables? Assurément. L’erreur de M est de ne pas avoir tiré de «Skyfall», antépénultième épisode (2012), et chef-d’œuvre de Sam Mendès, les leçons qui s’imposaient. «Skyfall» avait décrit un monde que les coups de boutoirs de la technologie forcent au changement. Il avait mis en scène un univers plus que jamais aux prises avec le mal, voyant se brouiller les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, l’ami et l’ennemi, le vrai et le faux.

Revenir aux fondamentaux

En bon officier, Bond s’était alors souvenu que quand tout va mal, il faut revenir aux fondamentaux. Lorsque le très technologique siège du MI6 est attaqué, il se replie dans l’ancien bunker de Churchill. Alors que le méchant traque ses mouvements sur les réseaux, l’espion ressort sa vieille DB5, qui ne contient pas la moindre puce électronique. Pour mettre à l’abri sa cheffe, il se retranche dans le manoir familial des Highlands, d’où il affrontera avec le fusil de chasse de son père des adversaires suréquipés. Le salut de l’Angleterre découlait d’un retour aux racines, à la fois historiques, familiales et techniques.

La scène finale de «No time to die» en ébranlera plus d’un. Mais elle est marquée d’une certaine grandeur. Elle rappelle à tous les bureaucrates du monde, aux scientifiques démiurgiques et autres technomaniaques que l’amour de la patrie et des siens nourrit le vrai sens du service.

(Félicien Monnier, 24 heures, 12 octobre 2021)