La politique est possible hors des partis
Le cirque électoral est lancé. Une fois les votations fédérales écoulées, les élections cantonales occuperont définitivement toutes les discussions. Elles se déclinent en différents genres. Il y a d’abord l’art du pronostic. On mêle aux pourcentages des élections passées de subtiles analyses de la psychologie de l’électeur de base. Le raisonnement devient vite chancelant. Chacun selon son bord politique en profite pour rêver, s’inquiéter ou avoir confiance. On croit prudemment à l’élan collectif, à la victoire à portée de main.
Mais rapidement viennent les fielleuses insinuations. D’un parti sur un autre, et, surtout, d’un candidat à l’autre. «La dernière fois ils ont tracé au deuxième tour…», «Son programme est absurde. Et il ne vient jamais au stand.» Chaque action ou prise de position est l’occasion de se distinguer et de juger.
Les passions humaines sont directement aux prises: jalousie, ambition, fausse modestie. Si des camarades de partis peuvent se témoigner, parfois, d’une très forte amitié, ils sont également capables de terrifiantes bassesses. C’est le jeu démocratique, nous rétorquera-t-on. Dont acte.
La Ligue vaudoise n’a jamais présenté de candidats et ne donne pas de consignes électorales. Souvent des membres des partis se moquent gentiment, sous-entendant que du coup nous ne faisons pas de politique. Cette vision est bien trop parlementaire. Depuis deux mois, la Ligue vaudoise tient le secrétariat de la campagne romande contre le train de mesures en faveur des médias. Car la politique est possible en dehors des partis et du parlement. Bien plus, il est possible de faire de la politique en actionnant d’autres leviers que l’État.
?'uvrer au bien commun
C’est l’un des succès de la gauche d’avoir imposé dans le langage commun les notions de «société civile» et de «milieu associatif». Il ne s’agit certes jamais que d’entités reproduisant un discours égalitaire et collectiviste. Et pourtant, en investissant la culture et l’enseignement, mais aussi des associations de quartier ou humanitaires, la gauche affirme à son tour que l’on peut déployer hors des institutions une politique marquant durablement les esprits. La recette a fonctionné depuis Mai 68 et explique l’actuelle prédominance socialiste au sommet de l’État.
À un jeune soucieux d’œuvrer au bien commun je rappellerai la densité du pays, ses innombrables «communautés intermédiaires». Intermédiaires parce qu’elles se situent entre la personne et la nation. Elles offrent une foule de lieux d’engagement proprement politiques, qu’il s’agisse des organes d’une fédération sportive amateure, d’une association professionnelle, d’une paroisse, ou du comité des amis d’un théâtre. Plutôt que d’entrer dans un parti, je l’inviterai à les rejoindre pour y prendre des responsabilités. Son action sera peut-être moins spectaculaire, mais plus stable, plus aux prises avec la réalité et, surtout, moins diviseuse.
(Félicien Monnier, 24 heures, 1er février 2022)