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Actualités  |  Mardi 7 mai 2024

Les Mosaïques d’Orbe nous parlent toujours

Entre Orbe et Mathod, au pied de la colline de Rances, le promeneur comme l’automobiliste apercevra les six pavillons posés sur le plateau de Boscéaz. Ils abritent une douzaine de mosaïques romaines. Elles sont le vestige d’une vaste villa qui, du premier au deuxième siècle après Jésus-Christ, étala ici ses thermes, ses deux cours intérieures avec colonnades, ses chambres, ses cuisines, ses écuries.

Le faste des mosaïques frappe le visiteur. Devant celle dite «des divinités», on est saisi par l’éclat des plumes du casque de Mars, de l’aigle de Jupiter ou du visage de Narcisse contemplant son reflet. Les bœufs du «cortège rustique» tirent toujours leur chariot avec la même lente puissance. L’écho du sonneur du cor semble résonner dans les gorges de l’Orbe.

Un labyrinthe du Minotaure ornait une chambre à coucher. Les enfants en course d’école, le bras tendu, esquissent le chemin de sa sortie. Un médaillon montre Ariane endormie sous un olivier de l’île de Naxos où Thésée l’abandonna à son sort. Il rappelle une mosaïque découverte en 1847 et aussitôt détruite dans d’obscures circonstances.

Enfin, «Achille à Skyros» est le chef-d’œuvre des lieux. Pour des motifs de conservation, la représentation de cet épisode peu connu de la guerre de Troie est rarement visible. Il démontre l’ampleur de la culture autant que de la fortune du propriétaire des lieux, dont on ignore d’ailleurs tout de l’identité. C’est l’un des secrets dont recèle le site.

Replacé dans la longue durée, l’emplacement de cette villa atteste du rôle du Plateau vaudois dans la géographie ouest-européenne, à la confluence des sphères alpine, germanique et gallo-française. Urba se situait précisément au carrefour d’où la route des Gaules se divisait entre celle reliant l’Italie et celle rejoignant la Germanie (hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007959/2015-02-10).

Ouvert au public depuis plus d’un siècle, le site de Boscéaz doit sa pérennité aux quelques passionnés qui œuvrent au sein de la Fondation de Pro Urba, et de l’Association des amis qui la soutiennent. Avec de modestes moyens et le soutien technicoscientifique du Service cantonal d’archéologie, ces personnes s’ingénient bénévolement à maintenir le site ouvert. Ils organisent le gardiennage et les visites guidées, mettent sur pied des journées portes ouvertes et coordonnent des publications. Pour y avoir et jusqu’à récemment œuvré depuis mon adolescence, je sais l’effort que cela exige.

Il faut saluer le travail de la petite équipe de Pro Urba. Il démontre l’importance des structures associatives dans la promotion de notre patrimoine historique et archéologique. Entraînée dans leur sillage, c’est toute la région d’Orbe qui attend la revalorisation plus large qui, enfin, transformera peut-être un jour le site de Boscéaz en un musée digne de ce nom.

(Félicien Monnier, 24 heures, 7 mai 2024)