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PC du Général

Pierre Rochat
La Nation n° 1904 17 décembre 2010
Cabédita et ses amis ont eu l’heureuse idée de rééditer en un seul volume les deux ouvrages que Bernard Barbey avait consacrés à son activité à l’état-major de l’armée durant la seconde guerre mondiale: Aller et retour, chronique de l’officier de liaison avec le commandement de l’armée française pendant la drôle de guerre, et PC du Général, journal du chef de l’état-major particulier de Guisan. Avant la sortie du livre de Cabédita, La Nation no 1894 a eu l’occasion d’évoquer Aller et retour dans une mise au point concernant l’éventualité d’une aide de l’armée française en cas d’attaque allemande; la réédition de la chronique de Barbey vient à son heure pour documenter notre prise de position. Le double livre dont nous saluons aujourd’hui la parution occupe une place originale dans les publications qui ont commémoré la mort du Général, car il présente le commandant en chef dans l’exercice de sa fonction, presque au jour le jour, dans une mise en scène qui tient du kaléidoscope et laisse par conséquent le lecteur-spectateur faire sa synthèse. Il est introduit dans le «secret des dieux» par un narrateur très au fait des réalités militaires – il est officier d’étatmajor général attaché au service de renseignement de l’armée – mais aussi rompu à l’écriture car il s’est fait un nom dans le monde littéraire d’avant-guerre. Il en résulte une oeuvre qui suscite une double adhésion, l’admiration pour l’intelligence, la science et les connaissances du chroniqueur et l’admiration pour l’art de l’écrivain; une satisfaction intellectuelle et un plaisir littéraire.

Les écrits de Barbey sont constamment intéressants sur le plan militaire. Ils témoignent d’un sens tactique affiné qui permet à l’auteur d’exprimer une opinion personnelle sur ce qu’il observe dans le terrain, sans être la voix de son maître. Les contacts que sa fonction lui impose de nouer, tantôt comme représentant ou accompagnant du patron, tantôt pour sa gouverne personnelle, lui permettent de brosser une série de portraits de personnalités militaires où la sensibilité et l’acuité psychologique le disputent à la finesse du trait; mais où la distance respectueuse est maintenue et l’amitié souvent transparaît ou même s’exprime carrément. Le Général, quant à lui, n’est ni peint de pied en cap, ni statufié; pas de panégyrique, ni d’hagiographie; une série de brefs portraits et d’instantanés d’où se dégage finalement l’image que nous connaissons: celle d’un homme constamment droit comme un i, humain, décidé. Un chef.

L’écrivain Barbey a mis au service de sa chronique et de son journal le talent que lui reconnaissaient les milieux littéraires. Ce talent a trouvé à s’exprimer d’une manière inattendue dans un genre qui n’avait plus rien de commun avec le roman qu’appréciait la société parisienne d’avant-guerre. Demeurait certes l’art du portrait et de la notation paysagère. Mais ce talent a introduit dans la chronique militaire un style fait de simplicité, de clarté, d’élégance et de parfaite adéquation à son objet.

Dans une notice introductive, Jean- Jacques Langendorf inscrit Barbey dans une lignée de chroniqueurs qui ont suivi de prestigieux chefs militaires. Il analyse avec sa perspicacité coutumière les liens qui unissent les uns et les autres. Il conclut: «Guisan aura été une des chances de Barbey et Barbey une des chances du Général» et termine sur une note d’humour en imaginant Charles Ferdinand Ramuz au côté du général Wille.

En 1975, la Société Vaudoise des Officiers et l’Association Semper Fidelis avaient publié aux Editions Ovaphil un choix de textes et de documents intitulé Ecrivains militaires vaudois. Le dernier texte présenté était l’hommage rendu par Bernard Barbey à son chef en 1954, sous le titre «Les lauriers verts du Général», cinq pages denses qu’il eût fallu ajouter aux deux oeuvres republiées. Elles constituent la peinture de pied en cap qu’il n’était pas dans le propos de Barbey d’insérer dans le journal lui-même. Elles sont incontestablement les meilleures qu’on puisse lire en cette fin de commémoration.

Bernard Barbey est né à Montcherand en 1900. Il est mort à Paris en 1970, dix ans après le Général. Sa tombe est à Valeyres-sous-Rances, dans le petit cimetière familial, au pied de l’église paroissiale, à deux pas des sépultures d’Alphonse Morel et de Marcel Regamey.

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